Les pages d'histoire du 36e régiment d'infanterie

29 mai 2009

Prisonniers entre les lignes

Ci-contre : Une carte du camp de Meschede et des coupures de l'édition caennaise d'Ouest-Eclair. (Photos DR)

Dans les premiers jours du mois de juin, alors que des 36e RI fleurit les champs et les villages de l'Artois de ses petites croix de bois, plusieurs listes de prisonniers détenus dans les camps allemands paraissent dans les quotidiens et hebdomadaires de Normandie (édition du Calvados de Ouest-Eclair, du Moniteur du Calvados, de L'Eclaireur du Calvados, du Bonhomme Normand... pour n'en citer que quelques-uns). Pour beaucoup de familles, c'est parfois la confirmation d'une captivité, déjà apprise par un courrier du dépôt ou d'un camarade. Mais pour d'autres, sans nouvelle du père, d'un oncle, d'un fils ou de l'époux, depuis plusieurs mois, l'émotion est considérable.
Car par deux fois, un grand nombre de "lignards" du 36e RI ont été faits prisonniers sur le terrain, notamment en Belgique (août 1914), et dans l'attaque du 16 septembre 1914, où le deuxième bataillon s'est retrouvé encerclé dans le château de Brimont (cette affaire donnera lieu à une enquête au sein du régiment). Mais en dehors de ces circonstances exceptionnelles, bien d'autres soldats ont été capturés : lors de la terrible retraite, après le Chatelet, ou dans les premiers jours de la guerre de tranchées. Tous ont été alors dirigés dans un camp de triage (Wahn, Giessen...) puis affectés dans un camp dit "définitif".
Leur sort n'est pas clos pour autant. Leur traitement devient un enjeu dans la guerre médiatique. En avril 1915, la Gazette des Ardennes, journal sous contrôle allemand, conçu à l'arrière immédiat de la zone des combats, démarre une publication des listes de prisonniers afin de discréditer l'effort de guerre français. Ces parutions provoquent un certain émoi. Plusieurs hommes politiques français décident, de leur propre chef, de reproduire ces listes dans les journaux, et notamment dans des périodiques régionaux. Malheureusement, cette publication sera – à ma connaissance – très rapidement interrompue par décision du ministère de l'Intérieur.

Voici une reproduction d'un article, paru dans le Bonhomme Normand, le 4 juin 1915, sous le titre de
"Prisonniers Calvadosiens"
"Pour se donner des airs d'avoir capturé une notable partie de l'armée française , les Allemands publient dans la
Gazette des Ardennes, journal des pays occupés, la liste des prisonniers qu'ils détiennent dans leurs différents camps. M. Fernand Engerand (député de Caen, NDR), qui a eu communication de cette liste, en a extrait les noms des prisonniers originaires de notre région. Nous publions ici ceux du Calvados, en faisant toutefois remarquer aux familles que cette nomenclature est loin d'être complète et qu'elles ont des chances d'apprendre par ailleurs ou plus tard ce que sont devenus leurs chers disparus.

(Suit la liste des prisonniers concernant le du 36e RI, NDR)
Camp de Meschede R/West : Le Barillet, Fern., Bayeux
Camp de Wahn I/Rhl : Lamère, Eugène, Andrien (lire Audrieu, NDR) ; Lautoir, Pierre, Caen, sergent ; Le Chevallier, Jos, Caen ; Gosselin, Henri, Sainte-Marie Laumont, cap. ; Bonnin, Léon, Caen
Camp de Berlin
: Jehanne, Eugène, Lingèvres
Camp de Quedlinburg (en réalité Quedlimburg) : Lecomte, J., Champigny (lire Campigny, NDR) ; Mauger, A., Bény-sur-Mer ; Prudhomme, E., Tilly-sur-Saules (lire Tilly-sur-Seulles) ; Mousset, F., Caen ; Joussé, G., Caen."
(A suivre...)

A noter : pour consulter l'intégralité des listes de prisonniers, parues dans La Gazette des Ardennes, allez voir le remarquable travail de "Mounette" et Jérôme Charraud à cette adresse.

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