(Ci-contre : un repas entre officiers et sous-officiers au 36e RI avant guerre. A droite, sous la croix rouge, le sergent major Girard. Merci de me signaler le nom des soldats si vous les reconnaissez. Photo DR)
Sardines, pommes de terre, boîtes de "singe", chocolat, pain, confiture, vin, soupe froide, riz... A relire les témoignages, l'ordinaire du soldat, même complété par les colis de la famille, fut bien monotone. En témoigne, cette lettre d' Etienne Tanty, du 129e régiment d'infanterie, rédigée dans la plaine de Courcy, en novembre 1915.
Dans une description très sarcastique, le jeune garçon raconte un repas pris
dans un cantonnement, à proximité des lignes tenues par le 36e RI.
"Lundi 9 novembre (...) Les
cuisines sont des foyers, un par escouade, le long d'un mur, entre le
mur et un immense tas de fumier. Sur deux pierres chauffent une immense
marmite de riz et une de pommes de terre en purée. Chacun s'amène avec
sa gamelle et la distribution commence et, avec elle, l'inévitable
chamaillerie : hé ! le riz est à l'eau ! – hé ! le riz est au gras
– et je ne l'aime pas comme ci et je ne l'aime pas comme ça – et
puisque c'est ça j'en veux pas – et c'est toujours les mêmes – et tu
nous fais chi... – et viens voir un peu ! – oui j'y viendrai –
qu'est–ce que t'attends – et cette gamelle est trop pleine – et
celle–ci ne l'est pas assez ! – et ta gueule ! – sale râleur ! espèce
de... – répète–le donc ! – oui je le répèterai – eh bien répète–le – tu
vas voir ! – tu me fais pas peur, peut–être ! – voulez–vous taire vos
gueules, là–bas ! – et patati et patata...
Quand les quatre ou
cinq cuillerées de riz et de patates sont enfin distribuées, chacun
tire son pain de sa musette et le dîner commence, les uns debout, les
autres assis le long du mur, d'autres avec le tas de fumier comme
table. Parfois de la politique et stratégie établissent une
conversation, où l'on répète avec passion les pires âneries et les plus
grosses balourdises des journaux. Les Boches fuient comme des lapins,
les Russes sont à Berlin, la guerre va finir dans les huit jours ! Le
dîner fini, c'est le tour du jus et les engueulades reprennent : "Et t'es déjà servi ! Et t'es pas servi ? Et t'as pris du rabiot ! Et t'en as pris !" Je vous fais grâce du reste, ce qu'on entend du matin au soir ! (...)"
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