Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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8 déc. 2007

Les très riches heures de Jean Hugo

Légende : Jean Hugo, Autoportrait (détail), Luxeuil, 1918 (crayon noir, page de carnet).

Des quelques témoignages que l'on peut trouver sur le 36e régiment d'infanterie pendant la Première Guerre mondiale, le plus singulier est sans nul doute celui de Jean Hugo. Né en 1894, arrière-petit-fils de Victor, l'artiste a connu en France une gloire discrète pour son travail, que de trop rares rétrospectives viennent éclairer.
Mobilisé le 4 septembre 1914, Jean Hugo rejoint le 36e RI au bois de Beaumarais, lors de l'hiver 1915. Blessé à Neuville-Saint-Vaast en juin, il est soigné à Saint-Malo et retrouve le régiment quatre mois après, décimé après les combats d'Artois. Il suit l'unité sur la Somme et à Verdun, où il est nommé sous-lieutenant. Mais les mutineries de 1917 provoquent chez lui "humiliation et dégoût". A contrecœur, il fait jouer ses relations familiales et se fait muter, en Lorraine, au quartier général de la 1re division américaine. Ce qui ne l'empêche pas de se comporter de manière héroïque, notamment lors de l'offensive de Cantigny en mai 1918, où il reçoit la Distinguished Service Cross. Il est démobilisé en septembre 1919.
C'est au cours de ce conflit que naît la vocation de Jean Hugo. En 1914, le jeune homme n'a en effet aucune formation picturale, mais il a visité les Salons et les galeries. Son style, dans ses premiers croquis, emprunte au mouvement cubiste : dans des paysages sans hommes, les ruines se découpent en formes anguleuses ; les murs s'écroulent en moellons rectangulaires et les arbres mutilés adoptent des formes cylindriques. Avec la fin de la guerre, les dessins se simplifient. Hugo dessine des scènes simples, naïves, aux formes géométriques, dans des petits formats.
Mais l'artiste nous a laissé bien d'autres "vignettes" de cette guerre, notamment au travers de son recueil de souvenirs Le Regard de la Mémoire. Publié en 1984, quelques mois avant sa disparition, ce livre restitue un demi-siècle de la vie de Jean Hugo. La période de la guerre s'étend sur une centaine de pages et intéresse directement le 36e. On y suit le régiment des bois de Beaumarais jusqu'à sa proscription dans l'Aisne, après les mutineries de 1917. Le ton, empreint de fausse légèreté, d'innocence, voire d'insouciance, peut surprendre : l'auteur ne cède jamais à l'accablement, voire à l'apitoiement ; les événements sont rapportés de manière tragi-comique, parfois elliptique. Ils sont surtout retranscrits de manière picturale : on ne lit pas des scènes, on découvre des images... Devant Neuville-saint-Vaast, le champ de bataille apparaît à l'auteur comme une "vaste abîme de nuit bleue où flambaient des incendies, où se croisaient des comètes multicolores." A Corbie, dans la Somme, "l'église noire brillait sous la pluie. La fenêtre d'un tea room était allumée. Les uniformes ocre jaune des soldats anglais passaient devant les murs de brique sombre." Le texte progresse ainsi, à la manière d'une succession d'instantanés où flamboient des taches de couleurs.
De Jean Hugo, Cocteau a dit : "Il a mêlé son calme presque monstrueux au tumulte des entreprises de notre jeunesse. II était, il reste l'image même de cette modestie parfaite des enlumineurs, chez qui la vérité quotidienne l'emporte sur les grâces décoratives. Sa main puissante, son gros oeil jupitérien, son olympisme en quelque sorte, n'usent pas de foudres, mais de petites gouaches si vastes qu'on dirait que leur taille résulte d'un simple phénomène de perspective." On l'aura compris : les "petites gouaches" de Jean Hugo n'ont pas fini d'éclairer ce blog de leur chatoiement.

A voir : de nombreux dessins de guerre de Jean Hugo sont conservés au château de Blérancourt, musée national de la Coopération franco-américaine, qui rouvrira ses portes fin 2011. En attendant, il est possible d'en voir des reproductions sur le site de l'agence photographique de la Réunion des musées nationaux (http://www.photo.rmn.fr, rechercher "Jean Hugo" dans le moteur de recherche mots-clés). (Image DR)

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