Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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26 févr. 2009

Berezina en Artois

Un exercice de diachronie : le groupe des maisons en U (aujourd'hui, rue de la Paix), à Neuville-Saint-Vaast, en 1915 et en 2008. A gauche, la photo de Fernand Le Bailly est légendée dans son album : "2 juin !!! Le groupe des maisons en U après l'attaque du 36e durant 5 jours, 5 nuits (lutte corps à corps sans répit). Il nous restait environ la moitié du village à enlever à cette date !"

Continuons le récit des combats du 36e régiment d'infanterie à Neuville-Saint-Vaast... N'y voyez là aucun dédain pour les secteurs de Courcy ou ceux du bois de Beaumarais, mais à force de lecture, il est difficile de ne pas se sentir absorbé par ce cataclysme qui frappe le régiment dans ce petit village de l'Artois au début de l'été 1915.
Le 5 juin, le 36e régiment d'infanterie remet donc l'ouvrage sur le métier et lance un assaut sur la gauche du bourg, le 129e régiment d'infanterie étant engagé à sa droite (voir carte ci-dessous pour les lieux mentionnés). Au centre, la Grande Rue, longue épine dorsale d'un kilomètre, délimite les zones d'action des deux régiments. Les leçons du 1er juin, alors que le régiment de Caen a combattu sans aucune préparation avec les pertes que l'on sait, ont-elles été retenues ? Les quelques rapports sur cette journée, conservés aujourd'hui au service historique de la Défense, montrent que la préparation de l'attaque a été scrupuleusement organisée au préalable. La combinaison de l'artillerie lourde et de campagne, la durée, la cadences des coups, l'emplacement des places d'armes, des dépôts de grenades et de munitions, la quantité de grenadiers par escouade, de soldats chargés d'engins spéciaux ("incendiaires ou asphyxiants"), d'artificiers ("6 hommes par section : 3 munis de fusées rouges, 3 de fusées vertes"), l'emploi "d'unités spécialement désignées pour le nettoyage des organisations dépassées", le nombre et le type d'outillage alloué aux pionniers ("1/4 pioches, 1/4 pelles, 1/8 haches, le reste recevant 20 sacs à sable vides par homme"), voire l'allure des soldats ("au pas de course (...) chaque unité doit pousser droit devant elle, sans tirer un coup de fusil, ni jeter une grenade avant d'être au corps à corps"), tout cela a été réglé dans ses moindres détails...
Mais ce pilonnage sémantique n'y peut rien. L'offensive est à nouveau une débâcle. Les bombardements des maisons où se retranchent les soldats de Guillaume terminés – tirs démarrés vers 8 heures du matin, interrompus vers 14h35 –, la 1re compagnie du capitaine Vivien, entraînant à sa suite la 2e compagnie (commandée par le sous-lieutenant Pinelli), s'élance à l'assaut de la maison C3. Les deux groupes se heurtent alors à des défenses intactes et sont décimés par un feu de grenades nourri. Plus à l'ouest, la 4e compagnie, du lieutenant Hélouis, déboulant plein nord des maisons en U vers la rue Verte, n'a pas plus de chance. A peine sortie des tranchées, elle se retrouve face à un mur crénelé, hérissé de défenses accessoires et de mitrailleuses. Elle se cramponne alors au terrain et creuse immédiatement des tranchées pour se protéger. Plus à gauche encore, quelques sections de la 3e compagnie partent au combat (dont celle de l'artiste Jean Hugo), mais celles situées le plus à la gauche du dispositif n'avancent pas.
L'échec est donc manifeste, et le renfort du deuxième bataillon dans l'après-midi n'y peut rien. Autour de la maison C3, dernière enclave allemande dans les lignes françaises, quatre charges successives échouent. Le capitaine Vivien, les sous-lieutenants Loisnel et Rault sont blessés. Pour couronner le tout, les Allemands font sauter, en début de soirée, une mine souterraine à 30 mètres de la maison qui ensevelit 65 hommes de la 2e compagnie. Quant aux 6e, 7e et 8e compagnies, elles parviennent tant bien que mal à hauteur de la 4e compagnie et lui apportent grenades et sacs à terre pour se protéger.
A droite, le 129e régiment d'infanterie est plus heureux... Sous un feu violent, les compagnies, partant de la tranchée au niveau de l'impasse Beaujan continuent leur mouvement en avant et s'emparent au prix de lourdes pertes, de plusieurs maisons situées le long de la Grande Rue et rue François Hennebique*. Mais à quel prix ! Etienne Tanty, qui ne participe pas à l'assaut, témoigne dans une lettre du 7 juin : "C'était impossible d'avancer, les mitrailleuses, le canon-revolver fauchaient tout ; des créneaux, on percevait des capotes vides, plus d'hommes dedans, la mitraille faisait tout sauter à bout portant." Les unités très fatiguées sont renforcées en début de soirée par deux compagnies du 3e bataillon du 36e RI.
Au soir, dans le centre du petit village, il règne une indescriptible confusion : il y a là 6 bataillons qui ont eu d'assez fortes pertes, les quantités de troupes et d'artillerie de tranchée qu'il a fallu accumuler sont maintenant enchevêtrées les une dans les autres ; de nombreux cadres des unités combattantes sont blessés, et les batteries de 58 doivent être reconstituées. Les pertes pour la journée ? Un rapport signé de Mangin mentionne 144 morts (59 pour le 36e, 85 pour le 129e) et 232 blessés (174 pour le 36e, 58 pour le 129e. A noter : le JMO du 129e RI donne des chiffres bien supérieurs).

* L'inventeur de la construction en béton armé, natif de Neuville-Saint-Vaast !


3 commentaires:

  1. Bonsoir
    Quel enfer ! Je suis à la recherche d'information concernant le 22 JUIN 1915, et alentours, avant et après, concernant Eugène Charles Desruaulx engagé dans la 10E D'URBAL, 5e Mangin.
    Des rapports brefs ou sorte de citation indique sa bravoure et sa mort héroîque; Puis-je en savoir davantage grâce à vouset à Vincennes. Mais j'ignore le n°de référence pour consultation. Merci de votre soutien pour le Catalogue raisonné de mon mari, le Peintre René Pradez, qui vient de nous quitter. Bien à vous marie-josé pradez

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  2. Bonjour. Eugène n'est pas officier. Son dossier n'est pas conservé à Vincennes mais aux archives départementales de la Manche (Cherbourg). Il faut s'adresser à eux par courrier pour avoir copie du dossier, qui n'est pas encore numérisé (source : http://www.archives.manche.fr/trucs-et-astuces-details.asp?card=10584812#.UoODhpRdY3s). Cordialement,

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  3. Première atrocité relatée en détail dans le journal de mon grand-père, artilleur près de Neuville St Vaast : « Vendredi 4 juin: Geoffroy et un autre de la 6e batterie ont été tués au commencement de la semaine. Geoffroy était en morceaux, on l’aurait ramassé dans une toile de tente. »
    Il ne reste plus une maison debout à Neuville St Vaast.

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