Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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3 févr. 2009

Cinq de l'infanterie

– C'est vrai, quand on y pense, qu'un soldat – ou même plusieurs soldats – ce n'est rien, c'est moins que rien dans la multitude, et alors on se trouve tout perdu, noyé, comme quelques gouttes de sang qu'on est, parmi ce déluge d'hommes et de choses.
Le Feu, Henri Barbusse, Flammarion, 1916

En quatre jours d'assaut à Neuville-Saint-Vaast, du 1er au 4 juin, le 36e RI compte 534 hommes hors de combat. Que reste-t-il de ces hommes près d'un siècle plus tard ? Que reste-t-il de leur combat, passées les couches de silence qui s'accumulent dans les petites rues tranquilles de ce village de l'Artois ?
Il en reste des citations comme celle d'Emile Jourdan, matricule 6371, 10e compagnie, qui s'élance le 1er juin dans ce maudit champ à l'ouest du village – peut-être à quelques pas du soldat Ticos et du sous-lieutenant de Viefville –, et n'aura pas le temps de rejoindre la tranchée adverse. Les mitrailleuses ennemies transformeront en charpie sa jambe gauche. Il y gagnera au change une citation ("Très bon soldat, courageux et plein de sang froid. A été blessé très grièvement le 1e juin 1915, en se portant à l'attaque d'une tranchée allemande") et la quille pour une blessure pas si "fine" que cela.
Du soldat Eugène Lecroisey, matricule 05061, il demeure sa fiche Mémoire des Hommes... Qui raconte comment ce Manchois de 26 ans, lui aussi de la 10e compagnie, fut cueilli définitivement par une balle face aux maisons de la rue Verte. Une mort ordinaire, comme des centaines d'autres pendant ces journées de juin 15, que son arrière-petite nièce, Evelyne Collet, aujourd'hui à Mayotte, n'oublie pas.
De Michel Germain, matricule 03221, il subsiste une petite boîte en bois (photo ci-dessus) et quelques chromos que contemple fréquemment son arrière-petit fils Ludovic Ladroue. Celui-ci nous raconte : "Mon arrière-grand père Michel Germain était sergent fourrier au 36e. Il est mort le 1er juin 1915, à Neuville Saint Vaast. Je pense qu'il faisait partie des 26 disparus (peut être la raison de l'inscription "voir au dos" sur sa fiche Mémoire des Hommes), mentionnés par le JMO du 36e RI ce jour-là. Il était né en 1888, au Dézert, petite commune de la Manche. Il avait rencontré Adolphine Legrand, à Saint-Lô, à l'épicerie fine Malesherbe, rue Torteron, près de la Vire, où ils étaient tous les deux employés. Ils se sont mariés le 30 janvier 1912 et leur petite fille Alice, qui sera ma grand-mère, naît en avril 1914. Quatre mois plus tard, Michel Germain part en août à la guerre, persuadé de revenir à la Noël, mais il ne reverra jamais sa femme et sa fille. Pour se souvenir de son mari, mon arrière-grand-mère fera faire un montage photographique où elle apparaît à ses côtés. Elle n'avait pas eu le temps de faire une photographie avec lui... Elle ne recevra confirmation de sa mort qu'en 1955, en recevant une petite boite en bois que je possède et qui contient sa montre, sa plaque et une mèche de cheveux après la découverte de ses restes avec deux autres non identifiés. D'après ma tante, il est inhumé à Barly. En 1920, ou 1921 – je ne sais plus –, mon arrière-grand-mère fera partie d'une délégation des veuves de guerre qui furent reçues à l'Elysée lors d'un banquet par le président de l'époque. J'ai encore la médaille et le diplôme de reconnaissance de cette journée."
Pierre Pélerin, matricule 8181, a laissé pour sa part une lettre, sélectionnée après-guerre dans le recueil La Dernière Lettre, qui rassemble la correspondance de soldats français tombés au champ d'honneur 1914-1918. Ce Parisien écrit à sa tante le 3 juin : "Enfin ! Ça y est, j'ai payé mon tribut à la Patrie et je vais enfin pouvoir me reposer un peu. Je suis blessé d'un éclat de grenade à l'épaule droite et j'ai été envoyé à l'arrière. Je t'écris à toi directement pour que tu puisses prévenir maman et surtout qu'elle ne se fasse pas trop de soucis. Je vous embrasse tous, tous, tous, de tout coeur, comme je vous aime." Pierre Pélerin mourra deux jours plus tard.
Quant à André Colin, matricule 4693, né à Lisieux, tué le 3 juin, il a légué des souvenirs à son petit-fils, Jean-Claude Chignon, qui nous ont été rapportés par Nathalie Cornet : "Mon grand-père a été mobilisé tardivement, je crois fin 14-début 15, en raison de graves coliques de plomb – il était peintre ; il avait toujours dit à ma grand-mère, dixit ma mère, que s'il était mobilisé il ne reviendrait jamais. Il était marié et avait 3 enfants, dont ma mère, née en avril 1914. Il a été tué le 3 juin 1915 (et 73 ans plus tard à la même date naissait son arrière-petit fils...). Ma grand-mère ne parlait jamais de lui, c'était un sujet tabou.
"J'ai appris plus tard que ses restes n'ont été découverts que vers 1919.
"C'est donc un de ses frères, accompagné de son fils, qui sont partis reconnaître les restes. Ils l'ont identifié à sa montre et à ses chaussures: il avait, paraît-il, une façon bien particulière d'user ses chaussures. Il a été ramené dans le département de la Manche en 1920. Une cérémonie a eu lieu et à laquelle ma mère a été conviée...
"Ce fut le seul souvenir tangible d'un père pour une gamine de 6 ans..
."

1 commentaire:

  1. Votre demarche est tres belle , nous oublions souvent l' histoire . Bonne soiree Gerard

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