Un halo de mystère entoure encore le travail de Marcel Felser. Ce soldat, jeune ingénieur électricien, qui connaîtra la guerre des tranchées pendant quatre ans sur le front alsacien, a laissé derrière lui une collection de près de 400 clichés sur plaques de verre et négatifs, qui ont fait l'objet d'un livre paru en 2002 (
ci-contre). Des prises de vues non légendées, étonnantes de pudeur, où la violence est proscrite. Des photos qui disent la destruction de la forêt vosgienne, et où la guerre se lit sur les visages de ses camarades, cadrés comme autant de paysages.
Marcel Felser fit l'essentiel de la guerre au 1er régiment du génie. Mais selon sa fiche matricule (fiche reproduite en ouverture de l'ouvrage qui lui est consacré), il fut affecté dans les premiers mois du conflit au 36e régiment d'infanterie. Après s'être présenté au dépôt de Caen, il fut envoyé sur le front, alors que le régiment stationnait dans les bois de Beaumarais. C'est là sans doute qu'il reçut sa formation militaire. Par une froide journée d'hiver, il saisit une scène avec son objectif montrant un soldat se recueillant devant une sépulture, sur laquelle on peut lire "J.B. Duval, 36e d'Inf, 3e Cie" (
photo ci-dessous) Il s'agit de la tombe du manchois
Jean Baptiste Duval, natif du petit village de Digulleville, tué
le 27 janvier 1915 au soir dans un bombardement du
mont Hermel.
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Une photo de Marcel Felser réalisée dans les bois de Beaumarais
pendant l'hiver 1915 (©
Laurent Felser) |
Cette photo est la seule identifiable, à ma connaissance, réalisée par le jeune garçon de 21 ans dans les bois de Beaumarais. Il photographiera bien d'autres cimetières, de plus en plus vastes au fur et à mesure des années. Son objectif capturera aussi des images de ruines, de tranchées, de la gare de Thann, de sa future femme… Des images d'une grande modestie, dont l'homme ne semble s'être jamais départi tout au long de sa vie. Démobilisé en 1919, Marcel Felser vivra dans l'Yonne, où il sera directeur régional de l'Urbaine Electrique, à Auxerre. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il s'engagera dans la Résistance, mais il sera arrêté le 15 octobre 1943,
à la suite sans doute d'une dénonciation (lire le
bulletin n°11 de l'Arory). Déporté en janvier 1944 à Buchenwald, il y mourra le 17 décembre de la même année. Selon son petit-fils, Laurent Felser-Martinelli, sa dernière lettre se terminera par ses quelques mots : "
Foi, Courage, Espérance, Confiance."
A lire :
Un regard sur la Grande Guerre : photographies inédites de Marcel Felser, de Stéphane Audouin-Rouzeau, éd. Larousse, 2002.
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