Au soir de la journée du 25 janvier, on compte dans les tranchées du 36e régiment 4 tués, deux blessés par éclats d'obus et 11 blessés par balles. Le commandant de brigade Viennot fulmine et réclame un responsable (une enquête désignera le capitaine Koch) après le déclenchement de la pièce en caponnière située à la corne nord-est du bois, "qui ne devait avoir lieu que par ordre du chef de bataillon du sous-secteur". Le nervosité, enfin, est palpable entre les deux belligérants : dans la soirée, une patrouille française tue ou blesse plusieurs hommes d'une patrouille allemande dont elle ne peut s'emparer par suite de l'arrivée d'un groupe d'Allemands plus nombreux qu'elle.
L'histoire aurait pu en rester là. Elle connaît toutefois un rebondissement lors de la découverte et l'inhumation, plusieurs années après la fin de la Guerre, de deux dépouilles de soldats du 36e, de la 4e compagnie, tués ce même jour : Emile Barreau et Georges Méneteau (photo ci-contre).
Du premier, nous savons peu de choses. Parisien, il vient tout juste de fêter ses 20 ans dans les tranchées, à Courcy. Le sous-officier Georges Méneteau est de six ans son aîné. Cheveux blonds, yeux bleus, il est d'après le Livre d'or du clergé, dont j'emprunte ici les citations, un clerc tonsuré du diocèse de Versailles. Rappelé en vertu du décret de mobilisation générale, cet employé de banque a rejoint le 36e RI à Caen le 3 août et traversé la bataille de Charleroi, de Guise et de la Marne. Evacué en septembre pour une raison inconnue, il est de retour le 4 novembre dans les rangs du régiment "sur sa demande, à la place d'un père de famille âgé". Surnommé dans le régiment le "petit sergent du Bon Dieu", Méneteau s'est taillé pendant l'hiver dans les bois de Beaumarais un petit succès pour avoir, depuis son arrivée, façonné et orné une petite chapelle, où les officiers et les soldats peuvent venir se recueillir. C'est là, "chapelet à la main", qu'il tombe foudroyé avec son camarade par un éclat d'obus le 25 janvier.
Ces deux combattants sont-ils déclarés "disparus" au lendemain de cette journée ? Nous n'en savons rien. Toujours est-il qu'une fois retrouvées, leurs dépouilles seront inhumées au pied d'un petit calvaire, le 31 janvier 1924. Ce monument, situé encore aujourd'hui en lisière des bois de Beaumarais, porte 3 inscriptions :
Partie sud :
"Retrouvés dans un taillis - contre toute espérance - les restes de Georges Méneteau sergent au 36ème RI - et son camarade - Emile Barreau - ont été relevés et inhumés - au pied de cette croix - le 31 janvier 1924 - frappés du même obus - et unis dans la mort - ils n'ont pas été séparés - dans la tombe."
Partie ouest du calvaire :
"Comme Tarcisius - il eut l'honneur de porter - la sainte eucharistie - sur sa poitrine - les obus ont dispersés ses membres - dispersa sunt omnia ossa mea* - RIP"
Partie est :
"Ici est tombé face à l'ennemi - le 25 janvier 1915 - dans la tranchée de 1ère ligne - l'abbé Georges Ménéteau - clerc tonsure - du diocèse de Versailles - le petit sergent du bon dieu"
Si vous passez un jour à proximité de ce petit édifice, ayez une pensée pour Georges Méneteau et Emile Barreau.
* "Tous mes os furent dispersés". Merci à Serge Hoyet pour la photo du monument, à Stéphan, pour celle de Georges Méneteau.
Pourquoi ce blog et comment le lire ?
Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
Comment consulter cette page ? Vous pouvez lire progressivement les messages, qui ne respectent pas un ordre chronologique (ils évoquent, par exemple, l'année 1915 ou 1914). Vous pouvez aussi avoir envie de vous attarder sur une année ou un secteur géographique : pour cela, cliquez dans la colonne à gauche dans la rubrique "Pages d'histoire du 36e" sur la période et le lieu qui vous intéressent. Tous les messages seront alors rassemblés pour vous selon l'ordre de publication.
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Avertissement : Si pour une raison quelconque, un ayant-droit d'une des personnes référencées sur ce site désire le retrait de la (les) photo(s) et des informations qui l'accompagnent, qu'il me contacte.
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13 déc. 2008
Deux rescapés de l'oubli
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