23 décembre 1914. Les ramures des arbres de Beaumarais se balancent sous un ciel bistre... A l'approche des fêtes de fin d'année, pour la plupart des hommes qui demeurent là, dans la terre et les bois, la tristesse est palpable : premier Noël sans famille, sous une pluie et un vent ininterrompus, avec des journées courtes, et pas ou peu de lumière pour les longues heures de nuit... Les colis reçus par certains soldats, avec paquets de tabac, cigares, chocolat, etc., ne changent pas grand-chose à l'état d'esprit. Beaucoup cèdent à cet état d'abattement et de fatalisme que l'on va appeler "cafard", qui métamorphose les combattants inexorablement en "machine à attendre". Ce découragement, le soldat Armand David, natif de Frénouville (14), l'a-t-il éprouvé ? En cette journée, peut-être s'est-il remémoré le temps où enfant, la veille de Noël, il allait "couliner" avec d'autres "rabesots" (petit enfant maigre en normand) dans le village de Bourguébus ? Lors de cette journée, on parcourait les champs en portant des torches - les coulines ou les brandons - dont on passait rapidement la flamme sur l'écorce des pommiers. On chantait aussi des formules semi magiques pour faire fuir vermines et parasites, comme dans le Bessin : "Couline vaut Folau / Pipe au pommier / Beurre et lait / Vienn'nt à pianté / Taupes et mulots / Sors de mon clot / Où j'te casse les os ! / Barbassionné, si tu viens dans mon clos / J'te brule la barbe jusqu'ès os !" Aujourd'hui, Armand David aimerait bien trouver l'expression capable de faire fuir les idées noires qu'il ressasse depuis quelques jours.
(A suivre...)
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