Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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14 nov. 2009

En attendant la dégelée

"Épivent ne respectait, en somme, que les beaux hommes, la vraie, l'unique qualité du militaire devant être la prestance. Un soldat c'était un gaillard, que diable, un grand gaillard créé pour faire la guerre et l'amour, un homme à poigne, à crins et à reins, rien de plus. Il classait les généraux de l'armée française en raison de leur taille, de leur tenue et de l'aspect rébarbatif de leur visage." (Guy de Maupassant, Boule de Suif. Photo : image extraite du très beau court-métrage "1916", film de fin d'études de l'Ensad de Fabien Bedouel, 2003.)

A partir du début novembre, le général hiver fond sur les tranchées de Courcy. Dès le 10 , au lendemain de la panique au sein de la 10e brigade, le soldat Etienne Tanty, au 129e (stationné à côté du 36e), témoigne dans une de ses lettres : "Le temps se met à la gelée, les nuits et les jours sont glaciales". Le 22, Lucien Durosoir, violoniste virtuose, fraîchement débarqué dans la plaine de Courcy (au 129ème lui aussi), écrit : "Depuis 4 jours, nous avons des froids de 10 à 12 degrés au-dessous de zéro et la vie en plein air dans cette température est plutôt terrible, quoique à vrai dire on s'habitue un peu. Mais la nuit dans les tranchées, à peu près sans bouger, il faut y avoir été pour s'en faire une idée. Hier j'ai vu Balembois en pleurer. J'ai la chance, étant un peu gras, de moins en souffrir." Les jours suivant, le baromètre continue de baisser...
Les attentes aux créneaux dans les tranchées se transforment alors en véritable calvaire pour les hommes. Ils ne peuvent fermer l'œil tant les températures sont polaires. Ils attendent le jour, recroquevillés dans leur uniforme humide, et s'écroulent au matin dans un sommeil de plomb. Dans les postes de secours, on observe une recrudescence des pneumonies, bronchites et rhumatismes. Une note de l'état major de la brigade, non datée, trouvée dans les rapports de patrouille de la 5e division, montre l'indigence dans lequel se trouvent les soldats : "Il serait désirable que dans le courant de la nuit les hommes aux tranchées surtout ceux qui sont de quart puissent pendant leur veille pouvoir absorber une boisson chaude, seuls les fourneaux à pétrole ou réchaud à alcool permettraient de confectionner ou de réchauffer du thé ou du café, un quart de vin chaud serait de temps en temps le bienvenu. Si on ne peut se procurer des appareils de chauffage par voie de réquisition, les bonis sont en situation de faire face à cette dépense. Le colonel commandant la 10e brigade a pressenti les commandants des 36e et 129e, il demande en conséquence que les chefs de corps soient autorisés à faire au besoin sur le boni des unités l'achat du matériel ci-dessus." Dans les zones de cantonnements, les "lignards" du 36e ne sont pas mieux lotis. Ils dorment dans les bâtiments de la Neuvillette, souvent détruits, ouverts à tous les vents. Les plus chanceux couchent dans les caves. Ils n'ont aucun vêtement adapté au froid, sinon les effets que les familles et les dépôts leur ont fait parvenir ces jours derniers.
Dès la fin septembre en effet, des collectes sont organisées, par le biais entre autres d'entrefilets dans la presse. Le Moniteur du Calvados dans son édition du 1er octobre invite "à envoyer des tricots, vêtements chauds. Ces dons seront reçus par les dépôts des différentes garnisons qui les expédieront le plus tôt possible." Il n'en faut pas plus pour que le beau régiment de l'été 14 se transforme en armée de Bourbaki. Les écharpes fleurissent autour du cou des homme, les "ras de cul" se gonflent sous l'effet des chandails, et les passe-montagnes "non réglementaires" font leur apparition. Même les officiers s'y mettent. Le capitaine Lucien ne sort plus sans son bonnet de laine ridicule, et le sous-lieutenant Masse promène à la Neuvilette sa silhouette d'homme des bois.
Le 25 novembre, il neige dans la matinée. Le moral des soldats suit le même pente que le thermomètre. Ils savent désormais qu'ils ne seront pas de retour chez eux à Noël comme bon nombre l'espérait encore. Et au printemps, les combats risquent de recommencer...

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