Le régiment n'est pas pour si peu composé de têtes brûlées. Quelques heures plus tard après ce coup de main, sans raison, la panique gagne toute la 10e brigade. Vers 23 heures, les Allemands lancent une attaque dans la direction du bois de Chauffour tout en esquissant une attaque peu poussée vers la ligne du 129e RI, devant la route nationale 44, à la gauche du 36e RI. Etienne Tanty, soldat au 129e, raconte dans une de ses lettres : "Je m'éveille tout à coup. Partout des coups de fusil ; mes voisins s'éveillent aussi et bouclent les sacs en vitesse et mettent bidon et musettes. Les Boches attaquent : les balles sifflent. Visages ahuris et inquiets. Silhouettes qui passent sur la route en courant et en se baissant. On va renforcer la tranchée, à quelques pas ; je me fous par terre dans du fil de fer coupé et d'autres aussi ; le sac monté à la diable ballote, les musettes battent les jambes (...) et l'on se précipite dans les trous de tranchée n'importe comment, on se terre au fond, assez inquiets." De nombreux obus tombent devant les tranchées de gauche du secteur du 36e. Quelques compagnies tirent (ce soir-là, trois compagnies du 1er et 2e bataillons du 36e sont aux tranchées ; le 3e bataillon est en réserve à Courcelles), la compagnie du centre se dit même attaquée par une ligne allemande qui se serait avancée jusqu'aux fils de fer. Bernard prescrit de faire rechercher les blessés Allemands devant les lignes. Sans résultat... Les patrouilles envoyées au-delà du front le jour suivant ne trouvent ni morts ni blessés. "Il se peut que les Allemands les aient enlevés en se retirant, comme c'est leur habitude. J'ai prescrit d'envoyer ce jour, à la faveur du brouillard, des patrouilles qui constateront s'il y a des flaques de sang par terre, en avant du front...", note Bernard, à 5 heures du matin.
Quelques jours plus tard, Tanty donnera son explication de l'histoire dans une de ses lettres : "Lundi soir, fusillade ; c'était d'ailleurs une méprise : une patrouille qui a eu peur et s'est mise à tirer sur le génie qui travaillait devant nous, les Boches se croyant attaqués ont riposté, et nous, croyant à notre tour à une attaque, voilà comment se déchaînent les combats. Déjà l'artillerie était prête à entrer en jeu. Tout cela pour quelque bonhomme nerveux ou affolé qui aura tiré comme un imbécile, sans savoir, malgré toutes les recommandations des officiers."
Merci à Gilles Saucier et à son remarquable travail de recensement des soldats du 36e RI morts pour la France. Sur cette anecdote, lire les lignes du soldat Paul Chevalier, du 36e RI.
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