Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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4 janv. 2009

Le cimetière des régiments

(Photo : L'apothéose de la guerre (1872) de Vassili Verechtchaguine, le tableau cité par Etienne Tanty, dans sa lettre du 18 octobre 1914, pour évoquer les scènes vues à Montmirail. Ci-dessous, la mairie de Montmirail, en 1912 et aujourd'hui)

Placée dans la nuit en bivouac en arrière du village du Chêne, afin de ne pas être exposée aux tirs de l'artillerie adverse, la 10e brigade traverse le Petit-Morin le 9 septembre au matin à l'est de Montmiral. A l'entrée du bourg, les hommes ne tardent pas à découvrir des scènes d'épouvante. Jules Champin, qui a fait toute la campagne de Belgique, raconte dans son carnet : "Quand nous traversons la ville, c'est horrifiant, ces des milliers de cadavres qui sont empilés les uns sur les autres, dont certains sont même restés debout parmi les morts. Les cadavres français et allemands gisent par monceaux, le fusil toujours au poing. On ne peut imaginer rien de plus terrible, surtout que parmi eux il y a des centaines de blessés qui continuent de gémir. C'est affreux, épouvantable spectacle. Bref en passant je remarque un obus non éclaté qui est resté encastré dans l'angle d'une fenêtre dont la maison est à moitié démolie, et plus haut à la sortie de la ville qui est transformée en ruine encore un autre obus qui a perforé un arbre sans le traverser complètement. Ça me semblait bizarre de voir ça. Plus haut encore on se trouve en présence d'une compagnie allemande appuyée debout le long d'un fossé et tenant leurs fusils dans les mains. C'était à se demander si vraiment ils étaient morts, leur position nous semblait tellement bizarre. Mais tous étaient réellement morts."
De son côté, Fernand Le Bailly, qui a été versé dans le régiment cinq jours auparavant, est témoin du même spectacle. Il le retranscira dans son récit, rédigé quelques mois plus tard, dans les bois de Beaumarais :"Essaierai-je de traduire ici le tableau qui s’offrit au petit jour à nos yeux. D’abord de nombreuses charrettes à fourrages chargées de cadavres allemands et français, tout le bas du village en flammes, les murs, les arbres hachés, pulvérisés, des bras, des jambes éparses, sur la route au milieu de ruisseaux de sang, des casques, des épées, des sacs, par centaines, en loques, des caissons de munitions, des chevaux éventrés, des hommes n’ayant plus de tête, des bestiaux entourés de flammes et enfin des blessés, de pauvres blessés français, n’ayant plus figure humaine, luttant contre la mort, étendus dans le ruisseau la plupart et trouvant encore la force de nous sourire ou de crier : "Vive la France !"
Là, rien que des Allemands, tués, blessés ou prisonniers. Mêmes traces de lutte sauvage, d’horreurs. Sur la place de la mairie (voir ci-contre, une comparason avec une image de 1912), le général Mangin et son état-major nous regardaient passer, nous souriaient, nous encourageaient de la voix "très bien mes enfants, vite, en avant, tenez bon" pendant que femmes, enfants et vieillards pleuraient de joie, lui serraient la main avec effusion et nous apportaient des seaux d’eau, c’est-à-dire la seule chose que les "Allemands" n’avaient pas "brûlée", saccagée ou emportée.
Les femmes surtout faisaient peine à voir. A moitié dévêtues, les yeux hagards, les cheveux aux vents, tenant leurs enfants dans leurs bras, quelques-unes portant des traces de violence sur leur visage. Tout chez elles indiquait l’affreux drame dont elles avaient été pour la plupart la victime… de la part de ces brutes humaines. Et l’une, ne pouvant plus se contenir, dans un mouvement de répulsion et de haine nous cria : «Tuez-les tous, mes braves, pas de pitié, ils n’en ont eu aucune pour nous, malheureuses femmes, cette nuit encore, avant de s’en aller, cinq de ses Barbares m’ont violée !»* Et nous quittâmes ce champ de bataille dans une course éperdue vers les bandits, enveloppés d’un nuage de poussière soulevé par un vent très fort du S.S.E. qui nous apportait en même temps une épouvantable odeur de cadavre…"
Ces images hanteront pendant longtemps les soldats... Etienne Tanty, du 129e régiment, y revient à plusieurs reprises dans ses lettres à ses parents. Dans un courrier rédigé deux mois et demi plus tard dans la plaine de Courcy, il "revoie l'horrible boucherie, la route de Montmirail à Reims ; je respire encore la puanteur des champs couverts de débris et de charogne, je vois les faces noires, charbonnées, des cadavres amoncelés dans toutes les positions, au pied de Montmirail, et près desquelles on se couchait en tirailleur, sans savoir, sur lesquels on butait dans la rue, en cavalant en sous les balles prussiennes." (Pour lire la suite des témoignages de Champin et La Bailly, c'est ici)


* Lire au sujet des atrocités commises par certaines troupes allemandes Images de l'Allemand sur le site "L'histoire par l'image". Merci à mon père, Jacques Verroust, petit-fils de Fernand Le Bailly, pour sa photo de Montmirail.

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