Le château de Brimont vu des lisières des bois de Brimont. Dans le fond, on aperçoit les bois de Soulains. |
Voici la suite du récit du capitaine Meunier, de la 7e compagnie du régiment de Caen, pour la journée du 15 septembre... Lors de cette première journée dans le château de Brimont, l'heure est à se barricader. En quelques heures, le vaste domaine est transformé en place-forte par les quatre compagnies, avec l'aide de sections du génie (dont il n'a pas été possible pour le moment de retrouver trace dans les rapports conservés aujourd'hui au Service historique de la Défense). Très vite se pose pourtant le problème du ravitaillement en eau, en nourriture et en munitions des hommes - une question qui, au fil des heures, va se poser avec de plus en plus d'importance. De même, les liaisons avec les bois de Soulains et la Verrerie de Courcy deviennent de plus en plus difficiles. Selon un rapport, écrit par le commandant Chassery du 3e bataillon (rédigé le 22 novembre 1914), le commandant Navel envoie successivement, lors de cette journée, le cycliste Jolinet et le caporal Vincent aux bois de Soulains pour porter un compte rendu au colonel du 36e. Les deux hommes réussissent à traverser la plaine balayée par les balles, mais plus aucun autre contact n'est établi pour la journée. Il faudra attendre le 16 septembre au matin pour que des renforts arrivent.
"Dès qu'il fait grand jour (le 15/09, NDR), les Allemands ouvrent de la lisière du bois Brimont, un feu de mitrailleuses et de mousqueterie assez violent. Le lieutenant Dubois (natif du village de Carrouges, NDR) et plusieurs hommes sont tués d'autres sont blessés. Le commandant Navel donne l'ordre d'occuper les bâtiments et répartit son monde ainsi que suit :
1° Ferme : sous le commandement du capitaine Thil, avec la 5e compagnie.
2° Château : sous le commandement du capitaine Meunier, avec la 7e compagnie.
3° Parc : sous le commandement du capitaine Poncet des Nouailles avec la 6e compagnie.
4° Réserve : ce qui reste de la 6e compagnie qui n'a plus d'officiers est tenue par le commandant à sa disposition et placée entre la ferme du château.
L'effectif ne doit pas dépasser 650 hommes, y compris la section du génie qui nous a rejoint.
Le château est rapidement organisé ; au premier étage d'un couloir longe toute la façade regardant l'ennemi. Les fenêtres sont barricadées et les hommes répartis au créneau, les meilleurs tireurs sont installés dans les combles et des postes d'observation y sont placées. La ferme est organisée de la même façon, quant au parc le génie y creuse une tranchée qui prolonge le mur de la façade de droite.
Le champ de tir est très restreint en profondeur mais nos hommes, bien abrités, vont pendant trois jours faire de l'excellente besogne. L'ennemi tiraille faiblement, occupé surtout à ses travaux de retranchements mais un va-et-vient incessant d'Allemands donnera à nos tireurs l'occasion d'en abattre un grand nombre. Afin de ménager les munitions, chaque créneau se voit attribuer un secteur de terrain et ordre est donné de tirer qu'à coup sûr. La fusillade ne cessera pourtant pas et les documents et récits publiés par les Allemands insistent sur les fortes pertes par eux à cet endroit.
Toutes ces mesures prises, le commandant Navel se préoccupe de l'alimentation des hommes qui n'ont pas mangé depuis deux jours ; le génie essaie de réparer le moteur du puit, mais il renonce et installe un manège ; nous avons de l'eau pour le moment. On achète des moutons au fermier qui essaie de faire du pain. Tout va bien mais dans l'après-midi la décomposition du bétail tué par le bombardement et encombrant la cour de la ferme devient gênante ; le génie quoiqu'exténué essaie d'enterrer quelques cadavres, mais il y en a trop.
La nuit arrive et toutes les mesures de sécurité sont prises très rigoureusement en raison de la proximité immédiate de l'ennemi ; nos hommes quoique très fatigué montrent une grande vigilance. Le commandant Navel envoie une corvée chercher des vivres, mais les hommes reviennent n'ayant pu trouver leur chemin ; un nouveau détachement sous les ordres du sous-lieutenant Munier réussit à rapporter du pain et quelques vivres."
(A suivre...)
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