Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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10 juin 2009

La mort dans la tranchée

Après le 5 juin, les lignes françaises et allemandes ont atteint un tel degré d'imbrication dans le village de Neuville-Saint-Vaast que les combats deviennent incessants. Les fortifications pour se protéger doivent souvent se faire sous le feu de l'ennemi, comme le suggère ce récit de la 11e compagnie (ci-contre : le gisant du cimetière de Neuville-Saint-Vaast).

"Entre le
4 et le 5, les troupes françaises ont progressé à droite de la grande rue jusqu'aux deux tiers du village et les allemands ont évacué presque toute la gauche de la rue principale.
Le soir à 20 heures, le 36e pénètre dans ses maisons de gauche et occupe face à l'ouest le boyau de Neuville, parallèle à ces maisons à l'ouest que les allemands ont abandonné. La 11e compagnie reçoit l'ordre de creuser une tranchée partant de ce boyau et se reliant en arrière avec les maisons. Toutes les maisons comprises entre ces tranchées et la maison d'école au sud sont encore occupées par les Allemands, de telle sorte que dès son arrivée sur le terrain, la 11e compagnie reçoit des coups de feu de flanc. On essaie de nettoyer les maisons ; une section se lance hardiment à l'attaque de la maison la plus rapprochée, mais elle est reçue par une vive fusillade qui couche à terre une grande partie de son effectif. On entend, dans la nuit, les hommes du poste allemand qui somment, en français, nos hommes de se rendre : «
Déposez les armes et venez avec nous.» L'aspirant Guilmoto (peut-être s'agit-il de ce sous-lieutenant) répond à leurs sommations en poussant en avant sa section et commande un feu nourri sur la maison, mais les Allemands ont sur nous l'avantage d'être dans une maison organisée et nous avons hélas à déplorer la mort de braves petits volontaires qui se sont précipités en avant. Force nous est imposée de nous mettre vite au travail si nous voulons avoir fini notre tranchée au petit jour.
Toute la nuit, avec de simples outils portatifs, la 11e compagnie creuse son retranchement qu'elle relie aux maisons qui bordent de la rue qu'elle organise de façon à fermer le réduit. Pendant cette nuit, les officiers, sous-officiers, caporaux et soldats ont fait preuve d'un courage, d'une endurance et d'un mépris du danger dignes d'admiration. À tout instant, un homme est frappé, tué ou blessé ; un autre prend sa pelle ou sa pioche ou le commandement de son unité. À 20 mètres de l'ennemi qui lance des fusées éclairantes à la faveur desquelles il tire et jette des grenades, tout le monde travaille comme s'il était à la manoeuvre. Au petit jour, la tranchée est suffisante pour tenir la position est certes les Allemands doivent être surpris de nous voir installés chez eux.
Malheureusement, ceux qui restent dans les maisons à notre gauche sont encore nombreux et bien organisés. Dès le matin, ils installent dans la maison la plus proche une mitrailleuse qui prend notre tranchée à revers.
À partir de ce moment commence alors une journée d'épreuve où la troupe a eu l'occasion de faire montre des qualités d'endurance, de calme et d'énergique résolution qui caractérise le soldat normand.
Les balles qui nous sont envoyées par la mitrailleuse située à 20 m traversent le parapet trop friable, fait de terre végétale. Les sacs à terre apportés en hâte sont déchirés par les balles retournées que tirent les Allemands. Chaque homme qui se lève du fond de la tranchée est frappé d'une blessure horrible. Qu'importe, il faut avant tout tenir la position.
Le chef de bataillon fait envoyer du renfort pour seconder les hommes exténués et on lutte avec acharnement à placer les sacs sur les sacs aussitôt éventrés par les balles de la mitrailleuse. Qui dira l'héroïsme des travailleurs qui continuent à placer les sacs sur le parapet tandis que ceux-ci se déchirent dans leurs mains, que les balles s'écrasent alors aux oreilles quand elle ne les frappe pas mortellement ?
À tout instant c'est une nouvelle victime et ce n'est qu'à la nuit que le Génie peut organiser la muraille de sacs qui défiera le feu des mitrailleuses. Quand arrive le soir du 6 mai
(en réalité le 6 juin, NDR), 34 hommes ont été mis hors de combat par de graves blessures ; huit ont été frappés mortellement. Mais pendant ce temps, ceux qui occupent la maison vengent leurs camarades ; par les meurtrières qu'ils ont pratiquées, ils surveillent les maisons voisines, ils guettent les allées est venues de nos horribles voisins et ils ont le plaisir d'en descendre un bon nombre. C'est ainsi notamment qu'ils aperçoivent un Boche chargé d'un sac de grenades, il en tient une à la main, prêt à la jeter ; un guetteur l'a vu, tire : le Boche hurle ; un deuxième coup l'abat. Plus tard, un des veilleurs signale que dans les terrains qui sont en avant de notre tranchée, les Allemands défilent dans des sapes ; la sortie de la sape est a découvert ; deux tireurs se postent armés de fusils allemands trouvés dans les caves, chargés des balles trouvées dans les chargeurs, c'est-à-dire retournées. Deux coups, deux Boches de moins et deux balles qui ne s'attendaient pas à retourner ainsi chez leurs propriétaires. Il s'en présente encore six, six hommes morts -- et ce fut ainsi toute la journée : nous avions du moins la satisfaction d'avoir vengé nos camarades"

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