Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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7 mai 2009

La Marne, et ça repart (suite et fin)

Photo : si l'on en croit leurs carnets, Champin et Le Bailly seraient passés à Champaubert en septembre 1914. Peut-être ont ils vu la colonne commémorative de la bataille de 1814 ? (Photo DR) Parallèlement au récit de Jules Champin, voici, pour ces mêmes journées, un extrait du carnet de Fernand Le Bailly et de "sa" bataille de la Marne (il a écrit ce texte trois mois plus tard, en décembre 1914, dans les bois de Beaumarais). Le soldat est versé alors à la 6e compagnie, au sein du 2e bataillon, du 36e régiment d'infanterie. Tout comme Champin après Montmirail, Fernand Le Bailly remonte vers le nord après un crochet vers le village de Champaubert, situé plus à l'est de Montmirail (voir carte). La victoire lui semble proche et son ton devient plus martial et vindicatif vis à vis des Allemands. A noter, le 11 septembre, le régiment bas-normand reçoit 1 500 réservistes, selon le JMO, reportant son effectif à 3 bataillons et 3 000 hommes. "Et nous quittâmes ce champ de bataille dans une course éperdue vers les bandits, enveloppés d’un nuage de poussière soulevé par un vent très fort du S.S.E. qui nous apportait en même temps une épouvantable odeur de cadavre… C’est que… déjà depuis trois jours, plusieurs milliers de tués jonchaient le sol dans cette direction ! A Escardes, à Esternay, nous sûmes ensuite (pour une raison que j'ignore, Fernand Le Bailly indique des villes situées plus au sud, à proximité de Courgivaux, où le régiment est passé quelques jours auparavant) que 11 à 12 000 Allemands y avaient trouvé la mort ! Rien de surprenant donc que sur un front de 400 km environ, nous n’ayons à redouter, sous l’effet du soleil, cette odeur ignoble ! C’est ce qui arriva, et pour ma part, je ne compte plus les fois où… comme beaucoup de mes camarades, j’ai souffert de ce «mal de mer» spécial à l’ouragan de 1914-1915 ! Nous passâmes par Champaubert où également là, les nôtres firent des merveilles (une allusion sans doute à la victoire de Napoléon lors de la "merveilleuse campagne de six jours", de 1814), nous passâmes également près de Champigny. Partout, partout, dans les champs, sur les routes, la dévastation. Et les Allemands fuyaient, fuyaient sans relâche, n’ayant même plus le temps de piller, de mettre le feu. C’était la fuite éperdue, la retraite vers le nord. Et nous marchions, ne regardant même plus nos camarades qui exténués, tombaient, n’ayant qu’un désir au cœur, «les» revoir, «les» battre à fond, «les» réduire en bouillie. Nous les rattrapâmes à Gueux, le 12 à 9 h du soir. Le matin, 1 200 hommes venant du dépôt de Caen avaient été versés dans notre 36ème «pour boucher les vides» … Notre régiment, de ce fait, était reconstitué à l’effectif qu’il possédait sept jours avant, c'est-à-dire à 3 000 hommes environ. Etait-il possible que 1 200 des nôtres fussent déjà tombés ? Hélas, oui. Nos nouveaux camarades faisaient partie, pour la plupart, des classes 1901–1902–1903–1904 & 1906. Cinq seulement appartenaient à la classe 1900. Mon ami Apere me fit remarquer que j’étais «le plus ancien» de la 6e Cie et comme je constatai que j’étais encore parmi les plus «solides» j’en éprouvai une réelle satisfaction. Gueux et son bois de sapins ! Gueux et son clocher où après avoir, Apere et moi, désiré plusieurs fois la mort, quel souvenir, quelle nuit– je veux parler de celle du 12 au 13 septembre ! Ce fut la veille de notre arrivée à Gueux que notre colonel – le colonel Bernard – un brave homme et un chef brave, fut légèrement blessé par un éclat d’obus à la tête. Une heure avant, il m’avait désigné pour aller reconnaître un bois avec 3 hommes – dont Apere – d’où partaient quelques coups de fusils ennemis. Quelques Allemands s’y trouvaient : je me précipitai à la baïonnette dans le dit bois et nous le balayâmes de quelques coups de fusil. Les Allemands se sauvèrent par la lisière de droite pour se jeter pour ainsi dire dans les bras d’une de nos patrouilles qui opérait à cet endroit… Que se passa-t-il – nous ne l’avons jamais su au juste, car de l’intérieur du bois, je ne pus rien voir, mais pendant cinq minutes, nous entendîmes nos «Boches» hurler à la manière des porcs que l’on égorge à l’abattoir. Les nôtres évidemment… venaient de venger la pauvre femme de Montmirail. Puis tout se tût et sous une pluie de shrapnels, nous rattrapâmes le régiment. Sur «mes» 3 hommes, deux avaient fait la retraite de Belgique et étaient en haillons. Souvenir amusant, je vois mes deux «lascars» courir vers un chariot abandonné par les Allemands en plein champs. Quand j’arrivai près du chariot, je vis un de mes «poilus» debout, sur le dit chariot, chargé à tout rompre de vêtements civils et militaires en tous genres : chemises de femmes, pantalons de zouaves, chapeaux à plumes, képis de toutes sortes voisinaient dans un pêle-mêle indescriptible ! Et sous une pluie d’obus, alors qu’Apere et moi nous nous amusions follement en nous tenant les côtes, tellement nous nous en donnions à plaisir – je vois encore mes deux hommes, l’un, en chemise, sans pantalon, l’autre nu jusqu’à la ceinture, essayer ce «qui leur irait le mieux» . Toujours est-il, que parti avec 3 fantassins, je ramenai un homme habillé d’un pantalon d’adjudant, d’un veston civil, coiffé d’une «chéchia» de zouave. L’autre d’une capote de chasseurs à cheval, d’un képi de hussards, chaussé de bottes allemandes." (Pour lire la suite des témoignages de Champin et Le Bailly, c'est ici.)

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