Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
Comment consulter cette page ? Vous pouvez lire progressivement les messages, qui ne respectent pas un ordre chronologique (ils évoquent, par exemple, l'année 1915 ou 1914). Vous pouvez aussi avoir envie de vous attarder sur une année ou un secteur géographique : pour cela, cliquez dans la colonne à gauche dans la rubrique "Pages d'histoire du 36e" sur la période et le lieu qui vous intéressent. Tous les messages seront alors rassemblés pour vous selon l'ordre de publication.
Comment rentrer en contact ? Pour de plus amples renseignements sur ce site, ou me faire parvenir une copie de vos documents, vos souvenirs ou remarques, écrivez-moi. Mon adresse : jerome.verroust@gmail.com. Je vous souhaite une agréable lecture.

Avertissement : Si pour une raison quelconque, un ayant-droit d'une des personnes référencées sur ce site désire le retrait de la (les) photo(s) et des informations qui l'accompagnent, qu'il me contacte.

26 sept. 2009

Comme à Gravelotte

(Ci-contre, une illustration extraite des Livres roses pour la Jeunesse, "Traits héroïques de l'armée française", par Charles Guyon, Larousse, 1915.)

Septembre 2009. Sous le soleil, l'autoroute de l'est, au sortir de Reims, déroule son long ruban lumineux à travers champs, à l'assaut des contreforts de la montagne de Reims. Lancées à 130 km/h, les voitures passent en direction de Paris telles des fusées incandescentes. Il est difficile d'imaginer le même panorama quatre vingt quinze ans plus tôt. Ou la météo. Car si l'on en croit nos deux témoins du 36e RI, Jules Champin et Fernand Le Bailly, les derniers jours de la bataille de la Marne furent exécrables de mauvais temps. Le 11 septembre, Champin marche "toute la journée sous la pluie. (...) Nous sommes cantonnés dans une petite ferme. Mais comme il n'y a pas assez de place pour tout le monde, ma section couche dehors dans un herbage entre nos faisceaux. (...) Malgré la pluie je trouve le moyen de dormir quand même." Le lendemain Le Bailly n'est pas plus heureux. Placé en soutien de 4 pièces de 75, dans le bois de Gueux, son camarade Apère, Emile Lhostis et lui essaient de se protéger des trombes d'eau. "Le ventre creux, grelottant de fièvre, transpercés jusqu’aux os, dormant debout sur nos fusils, nous sommes restés là, sans bouger sous les obus… De temps en temps un des nôtres tombe, le nez contre terre, murmure «à boire» ou «j’ai faim» , puis s’endort, se relève d’un bond, les yeux hagards, retombe et délire. Moi, tout bas, je désire un éclat d’obus, une balle… la mort, quoi. Je ne peux plus… les temps me battent, j’ai la tête vide. Je tremble… Je me couche dans l’eau (notre champ est devenu un lac), cela me «retape» - je bois de cette eau, ça va mieux ! Quant à Apère, il est étendu à mes pieds, Lhostis aussi. Sont-ils morts ou vivant ? Je ne sais..." Outre les caprices du ciel, les deux soldats essaient de se protéger tant bien que mal d'un autre déluge : les bombardements. Le Bailly rapporte ainsi un marmitage, toujours dans les bois de Gueux. "Malheureusement, nous avions marché trop vite et notre artillerie n’avait pu nous suivre ! L’ennemi eut tôt fait de s’en rendre compte et pendant 1 h ½ trouva le moyen de nous bombarder sans arrêt avec ses grosses pièces. Voyez-vous d’ici notre régiment, en colonnes par quatre, l’arme au pied, sacs à terre, sur cette route encaissée entre deux forêts en encaissant stoïquement cette mitraille sans broncher. Il y eut au début un peu de houle dans nos rangs. Notre colonel eut tôt fait de rétablir l’ordre de la voix. Je me souviens aussi que nous ayant dit de nous coucher à plat ventre, sous bois, nous étions par paquets les uns sur les autres et que les obus fauchaient les arbres à 3 ou 4 m de hauteur, que l’odeur de soufre qui s’en dégageait rendait l’air presque irrespirable. Qu’un pauvre camarade qui, entr’autres, venait d’avoir les deux jambes sectionnées hurla pendant au moins 10 minutes avant d’expirer. Qu’enfin, nous passâmes la nuit sur place sous une pluie diluvienne et que, comme petit déjeuner, nous creusâmes une fosse où nous enterrâmes les nôtres." A plusieurs centaines de mètres, Champin, au premier bataillon, raconte pour sa part comment il distingue les calibres des coups : "Nous traversons de petits chemins sous bois et nous arrivons aux tranchées boches qui sont remplies de cadavres. Nous marchons en lignes de sections, puis en colonnes d'escouades, car à notre tour nous sommes sous le feu de l'artillerie ennemie, les 77 allemand. Ils ne sont pas bien dangereux, mais quand nous avons le malheur de tomber sous les coups des 88 autrichiens, c'est pas la même chose, car eux on a pas le temps de les entendre venir, ils crachent plus secs. On est obligé de se coucher dans un champ de luzerne. Il n'y fait pas bon. Car il tombe de l'eau depuis le matin..."(Pour lire la suite des témoignages de Champin et Le Bailly, c'est ici)



17 sept. 2009

L'invité du 36e : Antoine Joseph, matricule 5459, 14e RI

Le blog du 36e ouvre sa colonne aujourd'hui à Gabriel Joseph-Dezaize, journaliste et réalisateur de documentaires, qui a retrouvé le week-end dernier la trace de son grand-oncle, Antoine Joseph.

Heureuse invite que m’a lancée mon ami Jérôme, l'animateur de ce blog, un jour de la fin août 2009. Il me dit : "Réserve ta journée du 12 septembre nous partons pour le camp de Suippes." A nos âges ce n’est pas pour être mobilisés, ni nous engager, mais pour effectuer un voyage de mémoire. Mon camarade, féru de la guerre de 14-18 et d’un certain 36e régiment d'infanterie, sait qu’un de mes grands oncles, Jean Antoine Joseph, soldat du 14e régiment d'infanterie, qu’on prénommait Antoine et qui était le frère aîné de mon grand-père Eugène est décédé le 24 décembre 1914 à Perthes-Les-Hurlus.
Perthes-Les-Hurlus ? Sur une carte de France cette minuscule commune fait aujourd’hui partie des villages détruits pendant la Première guerre mondiale dans ce coin stratégique de la Champagne. Au nord de Suippes, avant la terrible guerre des orages d’acier (je rends volontairement hommage au roman d’Ernst Jünger) de charmants hameaux abritaient des villageois au cœur de forêts de sapins, d’érables et d’aubépines poussant sur une terre de craie comme je n’en avais encore jamais vue : Hurlus, Mesnil-les-Hurlus, Ripont, Tahure et Perthes-les-Hurlus, justement. De ces villages détruits que nul ne peut traverser sans l’autorisation de l’armée (ils sont inclus dans une zone rouge qui forme le camp de Suippes), il reste donc des bribes de mémoire : objets de cuisine rouillés à même le sol, stèles éclatées, briques rouges de murs affaissés - l’armée qui contrôle le site, le protège également de tout vandalisme. Perthes-Les-Hurlus, à 165 mètres de hauteur a, dit l’Histoire, été incendiée par les Huns en 451. En septembre 1914, le village sera évacué puis anéanti par une autre armée. Sinistre boucle de l’Histoire.
Ce 12 septembre 2009, une messe est dite dans les ruines de l’église de Perthes. J’écoute le prêche, j’écoute le prêtre. Je pense à Antoine. A quoi songeait-il ce matin du 24 décembre lorsque vers la côte 200, il est parti affronter des ennemis d’outre-Rhin qui auraient dû être ses frères dans l’Europe d’aujourd’hui ? Antoine venait d’Algérie, berceau de toute notre famille. Il était passé à Toulouse où il avait été mobilisé avant de rejoindre le front. Cet hiver-là, ce jour-là, le journal de marche du régiment (voir le site Mémoire des hommes) évoque un cloaque : on ne saurait mieux imaginer la terrible souffrance qui mord la chair et transperce le corps. Ce jour-là, Antoine n’aura sûrement pas vu les dernières feuilles des arbres, les arbres eux-mêmes ayant été déchiquetés. Déchiquetés, coupés en deux ou en mille, broyés par les orages d’acier, déjà. Comme tous ces jeunes gens venus de partout, comme Antoine, pour finir couchés dans une triste garrigue dévastée par l'ouragan de la guerre, par le froid et la pluie dans l’Est de la France.
Pendant la messe, je pense à Antoine et aux autres : ceux d’ici ou ceux d’en face – quelle différence ? – qui sont tombés à 400 ou 500 mètres de moi, dans un autre temps, mais dans le même espace. J’ai les noms de tous ceux qui étaient avec Antoine, et qui sont morts, et qui n’ont pas fêté le réveillon dans les tranchées cette année-là : mais ceux-là même qui sont restés en avaient-ils le cœur ?
"Le deuxième bataillon soumis dans les tranchées conquises à un feu très violent d’artillerie et d’infanterie fait des pertes assez sérieuses", lit-on de manière laconique et lapidaire dans le journal de marche, à la date du 24 décembre. Ce jour-là, Antoine, matricule 5459, est tué aux côtés de Gabriel Chazaud, capitaine, Adolphe Peyre, sergent et de six autres compagnons d’armes : Joseph Sinègre, Hébert Timbal, Auguste Escoubes, Léonard Madureau, Jules Maupas et Jean Laborde (j’espère que j’orthographie bien leurs noms car je déchiffre les textes laissés à la plume sergent-major par un zélé greffier de l’armée dans les journaux de bord de l’époque).
Antoine aurait donc franchi les lignes ennemies. Sur des photos en noir et blanc du 14e RI où je cherche en vain son sourire, je ne vois pas des guerriers, je vois des gosses. Des gosses de 21 ans comme Antoine qui portaient au début de la guerre un pantalon garance et un képi de même teinte revêtu d’un "camouflage" de couleur bleue pour aller au front (il faudra attendre mi-septembre 1915 pour que le casque Adrian équipe les soldats). Je ne sais pas si Antoine a été touché à la tête, au cœur, aux jambes. Je ne sais pas.
Antoine était né le 19 septembre 1893, en Algérie, à Tassin dans le département d’Oran. Il venait d’avoir 21 ans. Il avait été recruté en 1913, à Oran, avant de transiter par Toulouse. Le 12 septembre 2009, j’ai eu un bonheur inouï. J’ai, avec Jérôme, retrouvé sa tombe dans l’immense nécropole de La Crouée, à Souain (rebaptisé aujourd’hui Souain-Perthes-Les-Hurlus, limitrophe du camp de Suippes). Il est là sous l’herbe verte parfaitement coupée. Tombe n° 2704, deuxième enceinte. Sa sœur aînée, Louise, dite Louisette, avait griffonné cette information sur un papier pelure que j’ai retrouvé dans les archives familiales. Après avoir elle-même quitté l’Algérie, elle avait fait le déplacement de Châtellerault à Souain pour honorer la mémoire de son petit frère.
Aujourd’hui, en 2009, cette nécropole parfaitement entretenue semble étrangement apaisée. Le lieu est même apaisant. Je pense qu’une nécropole militaire est un sanctuaire de la jeunesse foudroyée, quand les cimetières civils sont généralement la dernière demeure de la vieillesse. Derrière des larmes, au-delà du sang, je vois des sourires de gosses. Antoine aurait eu 116 ans le 19 septembre 2009. Nous persistons à voir les anciens comme des vieux alors qu’ils étaient notre jeunesse et notre avenir… Ne l’oublions pas.

Gabriel Joseph-Dezaize (gabriel.joseph-dezaize@wanadoo.fr)
Paris, le 17 septembre 2009

(Merci à l’Armée d’avoir ouvert exceptionnellement le camp de Suippes au public le 12 septembre 2009.)

15 sept. 2009

Jours tranquilles à Courcy

Les cavaliers de Courcy hier et aujourd'hui (Photo-carte, DR).

Signe de la nervosité qui gagne le secteur de la plaine de Courcy en cette fin d'année 1914, la journée du dimanche 8 au lundi 9 novembre 1914 est émaillée de plusieurs incidents. En fin de journée, le soldat Hamon se distingue lors d'une patrouille sur les cavaliers (photo), le long du canal. A l'approche d'une tranchée allemande, note le colonel Bernard, commandant du 36e, dans un compte rendu, Hamon est "arrêté par les fils de fer au moment où il allait se précipiter en avant avec le reste de la patrouille sur les Allemands endormis dans la tranchée. Il ouvrit le feu, mit hors de combat plusieurs allemands fut lui même blessé à l'épaule. La patrouille put se retirer sans être inquiétée."
Le régiment n'est pas pour si peu composé de têtes brûlées. Quelques heures plus tard après ce coup de main, sans raison, la panique gagne toute la 10e brigade. Vers 23 heures, les Allemands lancent une attaque dans la direction du bois de Chauffour tout en esquissant une attaque peu poussée vers la ligne du 129e RI, devant la route nationale 44, à la gauche du 36e RI. Etienne Tanty, soldat au 129e, raconte dans une de ses lettres : "Je m'éveille tout à coup. Partout des coups de fusil ; mes voisins s'éveillent aussi et bouclent les sacs en vitesse et mettent bidon et musettes. Les Boches attaquent : les balles sifflent. Visages ahuris et inquiets. Silhouettes qui passent sur la route en courant et en se baissant. On va renforcer la tranchée, à quelques pas ; je me fous par terre dans du fil de fer coupé et d'autres aussi ; le sac monté à la diable ballote, les musettes battent les jambes (...) et l'on se précipite dans les trous de tranchée n'importe comment, on se terre au fond, assez inquiets." De nombreux obus tombent devant les tranchées de gauche du secteur du 36e. Quelques compagnies tirent (ce soir-là, trois compagnies du 1er et 2e bataillons du 36e sont aux tranchées ; le 3e bataillon est en réserve à Courcelles), la compagnie du centre se dit même attaquée par une ligne allemande qui se serait avancée jusqu'aux fils de fer. Bernard prescrit de faire rechercher les blessés Allemands devant les lignes. Sans résultat... Les patrouilles envoyées au-delà du front le jour suivant ne trouvent ni morts ni blessés. "Il se peut que les Allemands les aient enlevés en se retirant, comme c'est leur habitude. J'ai prescrit d'envoyer ce jour, à la faveur du brouillard, des patrouilles qui constateront s'il y a des flaques de sang par terre, en avant du front...", note Bernard, à 5 heures du matin.
Quelques jours plus tard, Tanty donnera son explication de l'histoire dans une de ses lettres : "Lundi soir, fusillade ; c'était d'ailleurs une méprise : une patrouille qui a eu peur et s'est mise à tirer sur le génie qui travaillait devant nous, les Boches se croyant attaqués ont riposté, et nous, croyant à notre tour à une attaque, voilà comment se déchaînent les combats. Déjà l'artillerie était prête à entrer en jeu. Tout cela pour quelque bonhomme nerveux ou affolé qui aura tiré comme un imbécile, sans savoir, malgré toutes les recommandations des officiers."

Merci à Gilles Saucier et à son remarquable travail de recensement des soldats du 36e RI morts pour la France. Sur cette anecdote, lire les lignes du soldat Paul Chevalier, du 36e RI.

8 sept. 2009

Le flâneur du 36e : Lumières d'automne

Beaumarais,Plateau de Californie,Craonne

Dans la brume féérique avec les morts oubliés du bois de Beaumarais, l'automne s'installe à Craonne (Merci à Jean-Claude Poncet pour sa photo).

5 sept. 2009

Emile Lhostis, mort en Absurdie

(Photo : la sépulture d'Emile Lhostis, à la nécropole nationale La Maison Bleue, à Cormicy, tombe n°3259. Merci à Norbert Lhostis pour cette photo)

S'il fallait trouver un dénominateur commun aux événements qui ont touché le 36e régiment d'infanterie en mars 1915, ce serait bien l'absurdité des drames qui ont frappé l'unité dans les bois de Beaumarais. En témoigne, le 15 mars 1915, la mort du sous-lieutenant Emile Lhostis.
Ce soldat, natif du Havre, nous l'avons déjà rencontré : il encadre une section de la 6e compagnie dans laquelle est versé mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, à son retour en France en septembre 1914.
Ensemble, ils parviennent à échapper aux éreintants combats de la bataille de la Marne et à l'encerclement du régiment mi-septembre sur les pentes du château de Brimont, qui laissent les trois bataillons du 36e RI exsangues.
Dans les mois qui suivent ces funestes journées, Fernand est transféré à la 10e compagnie. Lhostis, pour sa part, demeure à la 6e compagnie. Sans doute bénéficie-t-il des carences en cadres du bataillon, créées par les combats de l'automne, pour prendre du galon, car
les rapports d'opérations conservés au service historique de la Défense, au château de Vincennes, le mentionnent à l'hiver comme "sous-lieutenant". 
Avec le mois de février, la guerre dans les bois de Beaumarais change progressivement de physionomie. Aux patrouilles succède une guerre de harcèlement où le mot d'ordre est de "faire mal à l'ennemi par tous les moyens possibles." On profite de la nuit pour attaquer des petits postes d'écoute avancés ou des équipes de travailleurs allemands occupés à la réfection des tranchées. Pour ce faire, les Normands emploient des petites bombes manuelles, des grenades Aasen et des pétards de cheddite (le 4 février, le colonel Bernard, commandant du 36e, réclame des appareils destinés à lancer ce type de projectiles). Les patrouilles emportent aussi avec elles des grenades à tige Marten-Hale, qui sont tirées à l'aide de fusil.
Ce type de grenade est d'un usage délicat au point de vue de la sécurité de son fonctionnement. Employée avec un fusil classique, la grenade Marten-Hale nécessite une balle à blanc pour être tirée; la goupille doit être ôtée, une fois le détonateur vissé… Un oubli, une erreur dans le montage, et l'accident survient, avec parfois des conséquences dramatiques. Au creux de l'hiver 15, l'instruction au maniement de cette arme a pourtant bien démarré dans le régiment, mais elle demeure encore réservée à de petits groupes de soldats.
Dans la nuit du 12 au 13, le premier bataillon du 36e est relevé par le deuxième dans la partie gauche des bois de Beaumarais. La matinée se déroule sans anicroche. Puis, tout à coup, "l'éclatement prématuré d'une grenade Marten-Hale", selon le JMO, blesse deux officiers.
"Le sous-lieutenant Lhostis est grièvement blessé (...), ainsi que le sous-lieutenant Guérin, ce dernier légèrement atteint. Le sous-lieutenant Lhostis est évacué immédiatement en automobile sur l'ambulance de la division (l'ambulance 5/3, basée à Romain). Il a conservé courageusement tout son calme demandant à ce qu'on dissimule à ses hommes la gravité de ses blessures pour ne pas affecter leur morale." A n'en pas douter, cette disparition a ému Fernand Le Bailly. Peut-être est-elle à l'origine des souvenirs que rédigera mon arrière-grand-père avant son départ pour l'Artois, en mai 1915 où il cite largement Lhostis. Le sous-lieutenant y est décrit comme un "sergent petit, vif, alerte au possible". Jusqu'à qu'une grenade en décide autrement.