Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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23 mai 2012

L'invité du 36e : Bruno Etévé, la guerre Somme toute

Août 2011. Fay, à 30 km d'Amiens. "Ici, la plus grosse activité, c'est betterave-pomme de terre. Après, ce sont les légumes. Mais c'est essentiellement de la pomme de terre", prévient Bruno Etévé, maire et agriculteur de ce petit village de 117 habitants au recensement de 2008. L’homme nous accueille dans la cour de sa ferme. L’oeil vif et malicieux, il entretient depuis longtemps un rapport particulier avec la Première Guerre mondiale. Un conflit qu’il vit au quotidien : la terre des champs ici a été pendant trois ans située sur la ligne de feu et le village de Fay, entièrement détruit, n’a pas été reconstruit au même emplacement.
Mais le combat de Bruno Etévé est ailleurs, dans une tâche immense à laquelle il s’est attelé discrètement et avec obstination : comprendre et retracer la spectaculaire bataille “française” de la Somme de 1916, celle de ces Bretons et Manchois, celle de ces Normands et coloniaux... de tous ces soldats “oubliés” de l’histoire, en regard des "Tommies" dont le culte est entretenu avec ferveur tout au long de l’année plus au nord, vers Albert, par les Britanniques.
Mais cette bataille attendra aussi... Car si Bruno Etévé nous reçoit aujourd’hui, c’est pour nous faire découvrir ce paysage foulé par les “gâs” du 36e régiment d’infanterie lors du terrible hiver 1915-1916, juste après les combats de l’Artois. Un “séjour” sur lequel nous avons peu de traces, sinon les quelques pages que Jean Hugo écrit à la fin de sa vie dans son autobiographie, où l'écrivain se rappelle d'un secteur où les "soldats ont l'aspect de bergers ou de chasseurs de phoques, (...) d'abris pleins de rats, où il pleuvait dedans comme dehors." Le bois commun, l’église de Fontaine-les-Cappy, la sucrerie de Dompierre... que l'écrivain évoque, tout ces lieux sont encore là. Et nous les découvrons dans l’air sec et poussiéreux, quelques jours après la récolte des blés.


Qu’est-ce qui vous lie à cette période de la Première Guerre et à ce village ?
Bruno Etévé : la famille du côté de ma mère est pour partie britannique : mon grand-père était Anglais et il est venu se battre en France en 1914-1918. La branche du côté de mon père est française ; elle est originaire d’Ablaincourt-Pressoir, dans la Somme. Mon grand-père a lui aussi fait la guerre. Il été blessé deux fois sur le Chemin des Dames, puis il en est ressorti. En redécouvrant son dossier aux archives départementales, par la suite, je me suis aperçu qu'il avait été laissé pour mort le 4 avril 1918 à Morisel (Somme) et fait prisonnier. Il a été interné au camp de Soltau (Basse-Saxe), en Allemagne, une “anecdote” que mon père ignorait complètement. Mais bien d’autres choses expliquent ma présence ici : mon grand-père maternel a été maire de Fay après-guerre, puis mon père a pris la succession. C'est un peu comme une histoire de famille... Enfin, la ferme dans laquelle je vis a été détruite pendant la Première Guerre. Elle a été reconstruite sur ses fondations, des traces que l'on peut voir lorsque l'on descend à la cave.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ce conflit ?
Elle découle essentiellement de la correspondance que je recevais en mairie. J'étais un peu frustré, en effet, que les gens me demandent des informations sur leurs aïeux morts à Fay pendant la guerre. Ils voulaient une indication de tombe, que je leur montre un emplacement de tranchée, le lieu exact où il avait été tué. Que sais-je encore... Cela m'énervait de ne pas pouvoir leur répondre. D'autant que beaucoup de ces personnes se déplaçaient pour venir sur place. Certaines faisaient même 700 km pour se recueillir... Beaucoup de régiments bretons sont ainsi venus se battre ici, mais on le mentionne peu... En 1915, ces régiments bretons étaient pour la plupart engagés dans l'Oise, mais vous en avez beaucoup ici en avril-mai 1916. Alors, on parle toujours des Britanniques – jamais des Français. J'en avais marre de ce non-dit. Je sais de quoi je parle : un de mes grand-père est Anglais. Alors j'ai décidé de chercher, de retrouver les noms des tranchées d'en savoir plus sur cette période de l'histoire. De fil en aiguille, j'ai commencé à me concentrer sur la bataille de la Somme, côté Français, du 25 juin à début août...

Cela a coïncidé avec votre installation professionnelle ?
Je me suis installé en 1984. A cette époque, je démarrais dans la vie et j'avais des responsabilités en qualité de président du Centre départemental des jeunes agriculteurs. Je faisais des recherches un peu au hasard. Puis j’ai adhéré à des associations sur la guerre. J'ai croisé des gens et tout s'est enchaîné. Depuis dix-quinze ans, j'ai une approche plus rigoureuse. Avec Marcel Queyrat, le président du Souvenir français de Chaulnes, nous essayons actuellement de remettre en avant ces régiments “oubliés” du front français de la Somme. Nous travaillons actuellement sur un officier, le capitaine Fontan, du 99e régiment d’infanterie, un ancien gendarme qui a arrêté la bande à Bonnot à Choisy-le-Roi, et qui a été blessé à Fay le 17 décembre 1914 d’une balle dans la tête. Il est mort le 18 décembre 1914 à 1h00 du matin, à Villers-Bretonneux.

[On sort du village et l’on oblique sur la gauche. Au sol, des pierres dessinent des formes géométriques. C’est le site initial du village de Fay, aménagé en promenade, et qui conserve les traces des fondations de certains bâtiments : église, maisons particulières...]

Le village de Fay, détail du plan du cadastre napoléonien de 1911 (source : archives départementales de la Somme)
Où sommes-nous ?
Là, on rentre dans l'ancien village de Fay. Ici, au milieu, c'était le presbytère. L'école était là de l'autre côté de la grande rue. Tout le village était rassemblé ici. L'ancienne église était plus loin. Les bois que l'on voit n'existaient pas, vous aviez ici une plaine. Tout Fay descendait vers le sud. La fameuse mine qui a explosé, en 1916, avec "son trou de 39 mètres de profondeurcomme disent les cartes postales, était là [Bruno Etévé désigne le bois du Bouquet, vers le Nord], juste derrière. Elle a été comblée dans les années 90 par un exploitant agricole lorsque la sucrerie a arrêté de fabriquer. Mon père s'est battu pour conserver cette mine. Mais personne n'a compris l'intérêt de garder ce site... En revanche, on a conservé les vestiges de l'ancien village. C'est le conseil général qui a fait mettre ces panneaux d'indication.

Pourquoi le village n’a pas été reconstruit au même endroit ?
Tout le village a été détruit pendant la guerre. Il n'a pas été démoli, comme l'a été Dompierre, mais anéanti, pulvérisé... Par la suite, Fay s'est retrouvé en zone rouge. Il était donc interdit aux habitants de revenir. Mes grands-parents sont revenus en cachette pendant les années 1919-1920. Avec d'autres habitants, ils se sont battus auprès de l'État lorsqu'il s'est agi de tout reconstruire. Mais l'architecte de l'époque les a mis en garde sur le terrain qui était à son sens trop bouleversé. Ils ont donc décidé de construire l'église un peu plus loin, au milieu d'un champ. La mairie et l'école ont été érigées par la suite... Elles ont été en partie financées par les dommages de guerre. Le canton de Montfort-sur-Risle, situé dans le département de l'Eure, s'est occupé des travaux d'adduction d'eau. J'ai cherché à retrouver trace de cette aide, mais je n'y suis pas arrivé. Tous les villages ici ont reçu de l'argent, qui venait de grandes villes de France, de communes, voire d’autre pays. La commune d'Estrées a reçu ainsi un financement du sud de la France, Péronne a reçu de l'argent des Britanniques, Bouchavesne d'une ville de Norvège, Bergen, pour monter un château d'eau, d’où le nom de Bouchavesne-Bergen...

A quoi ressemblait le Fay de 1914 ?
Tout le paysage que vous avez devant vous aujourd'hui, il faut l'enlever de votre tête. Regardez : vous avez devant vous une surélévation. Cette petite bute est en réalité une zone plate en 1914. Elle a été formée par la suite par les eaux de décantation des sucreries, des eaux chargées de terre, qui se sont accumulées entre 1920 et 1940. Otez également de votre tête la ligne TGV, l'autoroute, qui n’existaient pas en 1914... En revanche, rajoutez des boqueteaux : lorsque démarre la guerre, vous aviez ici plein de bosquets. J'en veux pour preuve le "bois commun" dont parle Jean Hugo, quand il porte l'uniforme du 36e régiment d’infanterie, ou le bois Foster, où il y a eu un combat acharné, en juillet 1916, dans lequel a été impliqué le 264e RI. Il est très difficile de retrouver ces lieux aujourd'hui, sinon sur des cartes. Prenez le lieu où a été tué le légionnaire Alan Seeger (photo ci-dessus), le 4 juillet 1916, devant Belloy-en-Santerre. Je peux vous dire où il a été blessé, avant que des brancardiers le trouvent, en pleine nuit, avec sa terrible blessure. Mais ce sera à quelques mètres près... C'était un grand glacis de 300 mètres de long qu'il fallait traverser face à des mitrailleuses allemandes. Rien à voir avec le paysage que vous avez aujourd'hui.

[A la sortie de Fay, on marche vers le sud. Sur la gauche se tiennent les bois d'Estrées.]

La Somme est très agricole en 1914 ?
Oui. Il y a beaucoup d'exploitation de betteraves, de céréales, de pommes de terre aussi. Il y a de nombreux petits villages disséminés, qui ont été conservés aujourd'hui, à l'exception de ceux qui étaient dans la zone de feu, et dont certains, comme Fay, ont été déplacés après l’Armistice. Avant 14, le village de Fay était très important, car il y avait de l'eau dans le fond de la vallée de Fontaine, qui descend vers Fontaine-les-Cappy. Il y avait aussi une cure avec un prêtre. Celui-ci allait à cheval ou à pied dire la messe à Foucaucourt, Fontaine-les-Cappy et Assevillers. Il y enfin un château à Fay. Leurs propriétaires étaient, à l’époque, banquiers, chambellans. On les retrouvait à la cour du roi.

L’une des particularités de ce secteur du front, c’est que les lignes ne bougent pas pendant plusieurs années...
Après la bataille de la Marne, les Allemands font retraite vers le nord et dépassent Péronne, talonnés par les Français. Mais ces derniers n'occupent pas la ville, si bien que les Allemands reviennent s'installer à Péronne... Fay aurait donc pu être en deuxième ligne, mais ça n'a pas été le cas. À partir de là, la situation ne bouge pas jusqu'en 1916. Les lignes sont à ce point figées que les Allemands considèrent d'ailleurs que la Somme appartient désormais à l'Allemagne. Ils mettent ainsi un poteau dans la plaine, en décembre 1914, pas très loin de Fay, qui indique : "Ici commence l'Allemagne". Un soldat français, le soldat Nolin du 99e RI, est allé couper ce poteau lors d'une nuit.

Il ne s’est donc rien passé à Fay avant 1916 ?
Non, cela ne veut pas dire qu'il ne s'est rien passé. Très souvent vous avez ici des coups de mains. Le plus gros se déroule, en novembre 1914, pas loin de ce bâtiment, sous les arbres (voir photo ci-contre) dans une ferme qui s'appelle la Ferme des Belges, une habitation aujourd’hui disparue. Le 205e régiment d'infanterie, le régiment de Falaise, est impliqué : il s'agit alors de déloger un nid de mitrailleuses qui est installé à l'intérieur de la maison. C’est un massacre... Un massacre inutile : lorsqu'il revient en1916, le régime retrouve les mêmes lignes qu'il a laissées deux ans plus tôt.


A quel moment se situe la venue du 36e RI ?
Le 36e régiment d'infanterie arrive dans la Somme en décembre 15. Il en part en février 1916. L’époque où il arrive ici, c’est celle où les coloniaux sont progressivement désengagés pour partir en Orient. Par la suite, d'autres régiments vont arriver, notamment des bataillons de chasseurs pour essayer d'avancer.

Mangin parle dans ses lettres de guerre du froid de l'hiver 15. Cet hiver à été rigoureux ?
Ça a été terrible. Cela peut paraître bizarre, mais il ne fait pas très froid ici, hormis lors de l'hiver 57. Mais l'hiver 15 à été glacial, et le mois de juillet 16 à été très pluvieux...

Il y a aussi des cas de soldats de soldats ensevelis par la boue en hiver...
La terre de la Somme est très glaiseuse. Pas tellement à Fay, où il y a encore une forte proportion d'argile. Vous ne trouvez pas de craie ici, mais à force de piétinements, le sol devient liquide. Lorsqu'il pleut très fort, la terre est tout de suite détrempée. Si vous la prenez en main, vous pouvez même faire des boulettes. Je cultive certaines parcelles de pommes de terre dans la petite vallée attenante à Fay, et, certaines années, je ne peux pas passer le tracteur car l'eau remonte et rend les labours impraticables.

En outre, cette guerre ne se fait pas seulement de tranchée à tranchée, mais également dans le sol. C’est ce qu’on appelle la guerre des mines...
La guerre des mines démarre immédiatement ici, en 1915. Avec le 1er régiment et le 3e régiment du génie, qui dès février, font sauter des mines sur Estrées. Ces hommes n'étaient pas forcément issus du monde de la mine, comme l'écrit Jean Hugo dans son livre. Ceux que j'ai retrouvés venaient du sud de la France.

Paradoxalement, à cette période, on trouve quelques soldats du 36e RI qui sont enterrés dans des nécropoles du côté d’Amiens, soit à 50 km d'ici. Comment peuvent-ils mourir aussi loin de leur régiment ?
C’est le cas des soldats blessés qui passent par le village de Foucaucourt, à l'arrière de la zone de front. Le village servait d'infirmerie... Les blessés y étaient triés. Les blessés les plus graves sont envoyés à l’hôpital de Villers-Bretonneux. Les autres sur Bray-sur-Somme, via Chuignes et Cappy. A Chuignes, ils étaient mis dans des trains, mais ils n'étaient pas sauvés pour autant, car la voie de chemin de fer n'était pas toujours abrités des yeux allemands et parfois elle était bombardée à un endroit particulier : c'est ce que les soldats appelaient "la vallée de la mort". A Bray, en revanche, les soldats étaient souvent transportés sur des péniches-hôpitaux jusqu'à Amiens. On trouve ainsi souvent des soldats qui décèdent à Amiens soit par maladie, soit par suite de blessures [voir ici le cas de Hyacinthe Schubenel, du 36e RI, ou de Stanislas Proux, déclarés "morts à l'hôpital" NDR], et qui sont enterrés au cimetière de Saint-Acheul ou à la nécropole de Saint-Pierre.

Il y aussi les lieux où les hommes se retrouvent pour oublier les tranchées... Jean Hugo évoque ainsi, dans son autobiographie, “la maison Normand”...
La maison Normand était une très grosse ferme. Elle appartenait à une famille très connue, le maître de sucrerie vivait ici. Autour de la maison, vous aviez une activité. C'était aussi un relais de poste. La maison est restée dans la famille. Je l'ai toujours connue comme ça.

Hugo évoque également l’église de Fontaine-les-Cappy...
L'église de Fontaine-les-Cappy était en arrière de la zone de front. Autour de l'église était enterré une grosse partie du 329e. Il n'y a plus personne aujourd'hui, mais j'ai retrouvé un plan avec l'emplacement exact des tombes des soldats du 329e, avec leur chef, le lieutenant-colonel Puntous, dit «Barca» (stèle du lieutenant-colonel ci-contre), qui a été enterré provisoirement ici, après qu’un éclat d’obus l’ait cueilli le 4 juillet 1916. La stèle au 329e RI a été érigée à Estrées-Deniécourt.

Et puis, il y a, plus loin dans le paysage de ces hommes, la sucrerie de Dompierre, qui a vu, en décembre 1914, des actes de fraternisation massifs : 300 hommes qui sortent des tranchées ennemies le 30 décembre... Hugo la mentionne aussi cette sucrerie...
Avant 1914, la sucrerie de Dompierre existait. Elle appartenait à un arrière-grand-oncle et à M. Normand. Ils étaient tous deux sucriers. Puis la guerre a été déclarée, et elle a cessé son activité. Elle n’a pas pour autant été rasée. Pendant la guerre, il y avait encore dans ses murs, à la déclaration de la guerre, du charbon, de l’eau... Les soldats venaient se servir et faisaient la paix le temps de leur réapprovisionnement. Aujourd'hui, la sucrerie n'est plus en activité. Il y a un silo de dépôt pour une coopérative et un entrepreneur a racheté l'ensemble.

Y a-t-il eu beaucoup de témoignages sur ce secteur ?
Non, vous avez très peu de témoignages qui concernent le secteur de Fay, comme les autres secteurs “français” du front de la Somme. Les soldats n’ont pas beaucoup écrit. Il y a, bien sûr, entre Fay et Fontaine-les-Cappy, le témoignage de Jean Hugo, au 36e RI, qui m’a un peu déçu, car il ne donne pas beaucoup d’informations... Vous avez ce qu'écrit Jacques Meyer, du 329e RI, à propos des combats autour d'Estrées. Et puis, il y a le témoignage d’un soldat du 265e RI, que j’ai retrouvé depuis. Mais tout cela est insignifiant par rapport à l’abondance de matériaux que vous avez pour des secteurs comme Verdun ou le Chemin des Dames.

Ça a été enterré...
Oui. Vous trouverez très peu de documents sur la bataille de la Somme côté français. Tout cela découle, à mon avis, d’une autocensure que les combattants ont entretenue longtemps après le conflit. Très peu de pèlerins se sont rendus ici après-guerre. Les anciens du 329e ne sont venus, selon moi, qu’une fois. Alors que combien de fois certains sont repartis à Verdun ? J’ai rencontré ainsi plusieurs personnes qui m’ont confié que leur grand-père était malheureux d’avoir fait la Somme et de ne pas avoir été à Verdun.

A quoi attribuez-vous ce déséquilibre ?
Aller à Verdun, c'était glorieux. La Somme, beaucoup moins... Vous retrouvez ce décalage dans la production éditoriale actuelle. Vous avez très peu de livres consacrés à la bataille de la Somme côté français. La présence de Blaise Cendrars, à Frise, au 1er régiment de marche de la légion étrangère, a été à l'origine de quelques recherches, mais rien de significatif. La bataille de la Somme intéresse peu en France. Regardez : peu de recherches sont entamées, il n'y a pas de regroupements. J'ai été à une époque membre de l'Historial de Péronne, j'ai essayé de faire aboutir quelques travaux... Mais cela n'a pas marché malheureusement. Qui sait, peut-être un jour ?

Interview réalisée en août 2011, merci à Bruno Etévé pour son accueil et sa patience.

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