Mais ce pilonnage sémantique n'y peut rien. L'offensive est à nouveau une débâcle. Les bombardements des maisons où se retranchent les soldats de Guillaume terminés – tirs démarrés vers 8 heures du matin, interrompus vers 14h35 –, la 1re compagnie du capitaine Vivien, entraînant à sa suite la 2e compagnie (commandée par le sous-lieutenant Pinelli), s'élance à l'assaut de la maison C3. Les deux groupes se heurtent alors à des défenses intactes et sont décimés par un feu de grenades nourri. Plus à l'ouest, la 4e compagnie, du lieutenant Hélouis, déboulant plein nord des maisons en U vers la rue Verte, n'a pas plus de chance. A peine sortie des tranchées, elle se retrouve face à un mur crénelé, hérissé de défenses accessoires et de mitrailleuses. Elle se cramponne alors au terrain et creuse immédiatement des tranchées pour se protéger. Plus à gauche encore, quelques sections de la 3e compagnie partent au combat (dont celle de l'artiste Jean Hugo), mais celles situées le plus à la gauche du dispositif n'avancent pas.
L'échec est donc manifeste, et le renfort du deuxième bataillon dans l'après-midi n'y peut rien. Autour de la maison C3, dernière enclave allemande dans les lignes françaises, quatre charges successives échouent. Le capitaine Vivien, les sous-lieutenants Loisnel et Rault sont blessés. Pour couronner le tout, les Allemands font sauter, en début de soirée, une mine souterraine à 30 mètres de la maison qui ensevelit 65 hommes de la 2e compagnie. Quant aux 6e, 7e et 8e compagnies, elles parviennent tant bien que mal à hauteur de la 4e compagnie et lui apportent grenades et sacs à terre pour se protéger.
A droite, le 129e régiment d'infanterie est plus heureux... Sous un feu violent, les compagnies, partant de la tranchée au niveau de l'impasse Beaujan continuent leur mouvement en avant et s'emparent au prix de lourdes pertes, de plusieurs maisons situées le long de la Grande Rue et rue François Hennebique*. Mais à quel prix ! Etienne Tanty, qui ne participe pas à l'assaut, témoigne dans une lettre du 7 juin : "C'était impossible d'avancer, les mitrailleuses, le canon-revolver fauchaient tout ; des créneaux, on percevait des capotes vides, plus d'hommes dedans, la mitraille faisait tout sauter à bout portant." Les unités très fatiguées sont renforcées en début de soirée par deux compagnies du 3e bataillon du 36e RI.
Au soir, dans le centre du petit village, il règne une indescriptible confusion : il y a là 6 bataillons qui ont eu d'assez fortes pertes, les quantités de troupes et d'artillerie de tranchée qu'il a fallu accumuler sont maintenant enchevêtrées les une dans les autres ; de nombreux cadres des unités combattantes sont blessés, et les batteries de 58 doivent être reconstituées. Les pertes pour la journée ? Un rapport signé de Mangin mentionne 144 morts (59 pour le 36e, 85 pour le 129e) et 232 blessés (174 pour le 36e, 58 pour le 129e. A noter : le JMO du 129e RI donne des chiffres bien supérieurs).
* L'inventeur de la construction en béton armé, natif de Neuville-Saint-Vaast !