Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
Comment consulter cette page ? Vous pouvez lire progressivement les messages, qui ne respectent pas un ordre chronologique (ils évoquent, par exemple, l'année 1915 ou 1914). Vous pouvez aussi avoir envie de vous attarder sur une année ou un secteur géographique : pour cela, cliquez dans la colonne à gauche dans la rubrique "Pages d'histoire du 36e" sur la période et le lieu qui vous intéressent. Tous les messages seront alors rassemblés pour vous selon l'ordre de publication.
Comment rentrer en contact ? Pour de plus amples renseignements sur ce site, ou me faire parvenir une copie de vos documents, vos souvenirs ou remarques, écrivez-moi. Mon adresse : jerome.verroust@gmail.com. Je vous souhaite une agréable lecture.

Avertissement : Si pour une raison quelconque, un ayant-droit d'une des personnes référencées sur ce site désire le retrait de la (les) photo(s) et des informations qui l'accompagnent, qu'il me contacte.

22 déc. 2010

2011, lever de rideau

Le blog du 36e régiment d'infanterie souhaite à tous ses lecteurs, fidèles ou non, de bonnes fêtes et une heureuse année 2011.

Photo : dix-sept soldats du 36e RI qui, entre autres, nous accompagneront pour l'année à venir. De gauche à droite, premier rang : Teyssier, Kahn, Ticos, Crepin, Hugo, Loreille, Le Bailly. Deuxième rang : Chevalier, Méneteau, Couturier, d'Andrezelles, Champin, Aubry. Troisième rang : Abeille, Bouleis, Chassery. Au sommet, Mathias.

13 déc. 2010

Coup de main au Bonnet-Persan

L'emplacement du bois du Bonnet Persan, aujourd'hui disparu.
Photo : Serge Hoyet.
Avec le mois d'avril, la guerre de harcèlement se poursuit sur le front des bois de Beaumarais. Au 36e régiment d'infanterie, le mot d'ordre - "faire le plus de mal à l'ennemi par fusils de guerre, par fusils de chasse, par grenades à main" - est poursuivi, doublé d'une idée fixe : constituer des prisonniers. Les patrouilles et les reconnaissances quotidiennes revenant bredouilles, Jèze lance le 5 avril un coup de main sur le bois de Bonnet-Persan.
Longue de 180 m sur 30 m de largeur, cette longue bande boisée, aujourd'hui disparue, est située au nord-est de la Ferme du Temple, parallèle à la route Corbény-Pontavert et perpendiculaire à la route qui rejoint la Ville-aux-Bois (voir carte ci-dessous). Occupée par l'ennemi de nuit, elle est défendue par un réseau de fil de fer qui court sur toute son étendue, doublé au sud d'un réseau extérieur. Elle est en outre gardée par plusieurs postes sur la lisière ouest, une tranchée vers le sud, et une sape qui remonte la bordure orientale du bois. Isolé des lignes allemandes, ce petit boqueteau est utilisé par les Allemands comme poste d'écoute avancé. De surcroît, le terrain marécageux rend la garde de cette zone difficile : dès qu'il pleut, les tranchées sont remplies de 10 à 15 cm d'eau.
En mars 1917, le bois du Bonnet-Persan (en bas à droite)
est encore situé dans le no man's land.
C'est la 7e compagnie qui organise ce coup de main qui rassemble quatre escouades, commandées par le sous-lieutenant Robert Lefèbvre, complétées par un détachement de sapeur du 3e bataillon du 3 régiment du génie. Comme pour l'action du 12 janvier, l'incursion est précédée d'un luxe de précautions : une reconnaissance est lancée à 20h00 dirigée par Lefèbvre lui-même, suivie d'une autre, menée par le sergent Verquières, une demi-heure plus tard, pour détruire le réseau de fil de fer sur le côté ouest du bois, dont la largeur atteint à cet endroit les 30 m. L'opération démarre dans la nuit, vers 2h30 du matin, par un tir d'artillerie suivi d'un tir de barrage, pendant que les escouades se massent le long de la route La-Ville-aux-Bois-Chevreux. L'adjudant Bapt, à la tête de la colonne de gauche avec le sergent Le Bleiz du génie, remonte en contournant le bois du Bonnet Persan par le nord. Selon le JMO du régiment de Caen, "le sergent du génie rencontre deux allemands, les assomme" et fait détonner "une charge allongée de 50 pétards suivant le profil de la sape (qui relie le bois aux tranchées, NDR), l'obstruant partiellement et détruisant la mise à feu reliant la tranchée ennemie aux fougasses présumées" (JMO, 3e RG). Puis descendant cette sape vers le sud en suivant la lisière orientale du bois, "ils rencontrent deux Allemands, l'un est tué, l'autre veut fuir et est fait prisonnier." Dans le même temps, poursuit le JMO du 36e, "le sous-lieutenant Lefebvre rassemble son monde dans les bois et les trois autres colonnes abordent ensemble la sape du milieu. La porte d'un abri d'où sort de la lumière est enfoncée : un allemand sort baïonnette au canon, le sous-lieutenant Lefebvre grimpé sur un abri lui brûle la cervelle. Dans l'abri ils font prisonnier un sous-officier, un caporal est un homme." En quelques minutes, tout est fini. Les colonnes de Lefèbvre et Bapt se rejoignent ensuite et capturent un Allemand supplémentaire dans un blockhaus, au sud du bois. Puis le groupe rentre à la tranchée de départ.
A bien lire le JMO de la 5e division, le bilan de coup de main est impressionnant : près d'une soixantaine d'Allemands tués sans aucune perte à déplorer côté français, des ouvrages complètement bouleversés pour l'adversaire, cinq prisonniers dont deux sous-officiers du 13e Landwehr... Il vaudra au sous-lieutenant Lefèbvre, parti comme sergent au début de la guerre et dont le frère sert également au 36e RI comme caporal fourrier, de recevoir la légion d'honneur le 25 avril. De même, l'adjudant Bapt recevra la médaille militaire. Pour autant, le bois n'est pas occupé, et le 15 avril, une patrouille menée par le sous-lieutenent Tahot, de la 3e compagnie, ne pourra que constater que le Bonnet-Persan est de nouveau contrôlé par les Allemands.

5 déc. 2010

Le baroud d'honneur de Jèze

Charles Jèze (Illustration : Renaud Merlan)
Le 1er avril 1915, en fin de journée, le lientenant-colonel Jèze, désigné au commandement du 36e RI, rejoint le régiment dans les bois de Beaumarais. Il vient y remplacer le colonel Bernard, parti deux jours plus tôt au commandement de la 103e brigade d'infanterie. Qui est cet homme dont le nom est encore aujourd'hui associé aux mouvements de "mutineries", que va connaître l'unité fin mai 1917 ?
Nous en savons un peu plus sur lui grâce à son dossier militaire, conservé aujourd'hui au fort de Vincennes. Charles Jean Jacques Adolphe Jèze naît le 8 avril 1864, sous le Second Empire, à Toulouse. Son père est drapier, mais connaît des revers de fortune. A 21 ans, Charles s'engage pour cinq ans, et présente l'école spéciale militaire en 1886 avec demande de bourse avec trousseau. Il sera reçu à Saint-Cyr deux ans plus tard, et sortira avec le rang n°5 sur 406. Yeux "châtains", visage "ovale", il mesure 1,69 m et présente "une constitution physique faible" nous dit son livret militaire. Vers la même époque, Charles Jèze rencontre Marie-Louise Sabathier, née dans le Gers, dont le père est cultivateur. Ensemble, ils ont un fils, Charles Guillaume, qui naît en 1898.
Trois ans sous lieutenant, cinq ans lieutenant, quinze ans capitaine… En 1908, Charles Jèze, alors sous-officier, est décrit sur son feuillet individuel de campagne comme "intelligent, calme, instruit, et très bon administrateur". En 1911, il obtient enfin un poste de chef de bataillon au 92e RI, puis passe au 1er régiment de zouaves. La guerre le trouve chef d'état-major de la 38e division, au commandemant du territoire d'Ain-Sefra, en Algérie. Il démarre la guerre au 9e corps d'armée en Yser, où il est nommé lieutenant-colonel du 135 RI, le régiment d'Angers.
A l'hiver, il rejoint les Normands du régiment de Caen. Sous ses ordres, l'unité gagnera sa première citation lors de son engagement à Neuville-Saint-Vaast. Jèze y glanera, au passage, une rosette d'officier de la légion d'honneur. En 1916, le commandant de brigade, Viennot le décrit comme "un chef de corps ferme énergique possédant un grand sens tactique". Autant d'appréciations qui, ajouté à un brillant état de service, viendront alléger les charges qui vont peser sur lui lors des "incidents" de mai 1917, mais ne pourront empêcher l'homme d'être placé en réserve de commandement par Franchet d'Esperey. Affecté à l'été 1917 à l'état-major de la 15e région, à Marseille, il passe ensuite à celui de la 4e région, début 1918. Cette sombre période coïncidera avec la disparition de son fils, jeune aspirant du 358e RI, tué au feu au camp des Romains. Brisé, Jèze poursuit néanmoins son commandement au 232e RIT, puis, après la fin de la guerre, au 12 régiment de chasseurs polonais. Mais en 1922, l'homme est atteint par la limite d'âge pour faire valoir ses droits à une pension. Retiré des contrôles, il sera définitivement rayé des cadres le 17 avril 1927.