Pourquoi ce blog et comment le lire ?
Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
Comment consulter cette page ? Vous pouvez lire progressivement les messages, qui ne respectent pas un ordre chronologique (ils évoquent, par exemple, l'année 1915 ou 1914). Vous pouvez aussi avoir envie de vous attarder sur une année ou un secteur géographique : pour cela, cliquez dans la colonne à gauche dans la rubrique "Pages d'histoire du 36e" sur la période et le lieu qui vous intéressent. Tous les messages seront alors rassemblés pour vous selon l'ordre de publication.
Comment rentrer en contact ? Pour de plus amples renseignements sur ce site, ou me faire parvenir une copie de vos documents, vos souvenirs ou remarques, écrivez-moi. Mon adresse : jerome.verroust@gmail.com. Je vous souhaite une agréable lecture.
Avertissement : Si pour une raison quelconque, un ayant-droit d'une des personnes référencées sur ce site désire le retrait de la (les) photo(s) et des informations qui l'accompagnent, qu'il me contacte.
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22 août 2009
Le dernier voyage de Charles Osmond
(Photo : la nécropole nationale de la Targette où repose le corps dOsmond. Merci à Thierry Cornet pour la photo de la sépulture.)
Le corps du sous-lieutenant Charles Osmond, du 36e régiment d'infanterie, fut exhumé le 8 mars 1920 par le sergent Herbin, chef d'équipe d'identification, et le caporal Martin, devant l'emplacement de ce qui avait été l'école du village de Neuville-Saint-Vaast. Par chance, le corps de l'officier fut déterré à l'endroit exact où il avait été inhumé cinq ans plus tôt - le cimetière provisoire n'avait pas été détruit par un bombardement d'artillerie et la dépouille d'Osmond n'avait, par conséquent, pas subi l'assaut dévastateur des obus. En revanche, du bourg alentour, il ne restait plus rien, sinon une lande ravagée, hirsute, sans arbre, mangée par le chiendent et les rosettes de plantains, où pointaient ici et là de gros tumulus. La vie de Charles Osmond s'était arrêté le 8 juin 1915, "au moment où, selon les termes de la citation reçue quelques jours après son décès, sous un bombardement terrible et sous une pluie de balles, il entraînait sa section à l'assaut d'un village." Le soldat avait fini par être happé par la tempête où il était plongé depuis trois cent dix jours.
Comme beaucoup de ses camarades de Saint-Lô, le jeune homme était parti à la guerre en vertu du décret d'août 1914. A la mobilisation, il laissait derrière lui son enfance, bercée par la Vire, sa femme Jeanne, épousée un an plus tôt, ainsi qu'"une situation" à la Société Générale. Ses premiers mois de combat avaient été heureux : il avait réchappé à la tuerie collective, longue de presque deux mois, menée des champs de Belgique à ceux de la Marne, qui avait couché tant de Normands au régiment. En décembre, dans les bois de Beaumarais, l'attaque réussie d'un poste d'écoute allemand lui avait même valu l'estime de ses pairs. Mais le printemps était venu et, avec la belle saison, l'Artois...
Les premiers jours de juin à Neuville-Saint-Vaast avaient été un bousillage généralisé d'hommes sous un bombardement stupéfiant d'intensité – le régiment avait lentement repoussé la première ligne allemande vers le nord du village au prix d'incroyables sacrifices. Son bataillon étant en réserve le 1er juin, Osmond avait été engagé dans l'assaut du 5 juin, l'un des plus meurtriers. Il s'en était sorti. Mais le 8, sa vie avait été fauchée alors qu'il se lançait avec sa compagnie dans l'enlèvement d'une barricade et d'un blockhaus de mitrailleuses.
Portée en terre après les combats, sa dépouille était restée cinq ans dans ce petit cimetière provisoire. Jusqu'à cette journée du 8 mars, où elle fut tirée de l'oubli par Herbin et Martin pour être transférée dans le cimetière de la Targette, aménagé un an plus tôt. Dans la lande désertique, les deux sous-officiers accomplissaient lentement leur besogne ingrate. Par précaution hygiénique, tous deux portaient un masque respiratoire, un bourgeron et un pantalon de toile à coulisse, fermant aux poignets et aux chevilles, avec des bottes imperméables aux pieds. Que restait-il du soldat qu'ils exhumaient, de ses yeux "gris", de son visage "ovale", de sa "bouche petite aux lèvres épaisses" et de sa "petite cicatrice à l'œil droit", comme mentionné dans son feuillet matricule ? Il n'y avait plus rien. En revanche, une fois le couvercle du cercueil ouvert, les sous-officiers retrouvèrent sans difficulté la montre d'Osmond gravé à son nom, son alliance sur laquelle était inscrit simplement "Charles uni à Jeanne le 10 juin 1913", ainsi que son couteau et son sifflet. Ces objets furent placés de côté pour être transmis plus tard à la famille. Avec leurs mains recouvertes de gants de caoutchouc, ils replacèrent les os couleur de rouille dans un cercueil léger, rendu étanche par une garniture en carton bitumé. Puis celui-ci fut transporté au cimetière militaire de la Targette, à quelques kilomètres de là, où l'attendait une nouvelle fosse. Osmond y serait moins seul : déjà plusieurs centaines de croix étaient plantées. A terme, près de 12 210 de ses camarades de combat allaient l'entourer.
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