Pour compléter les "instantanés" de Marcel Houyoux sur l'engagement du 36e RI le 22 août 1914, lors de la bataille du Châtelet, relisons le court passage donné par Georges Gay dans son ouvrage La Bataille de Charleroi, Août 14 (Payot), paru en 1937. Régiment par régiment, le texte de l'historien analyse le rôle de chaque unité de la Ve Armée dans cette offensive sur un temps "long" (1er au 23 août 1914). Les sources de l'auteur sont nombreuses : archives officielles, rapports d'exécutants, documents locaux et "souvenirs" d'acteurs de ces événements – "souvenirs" sans doute écrits, recueillis après le conflit, malheureusement aujourd'hui introuvables. Sans surprise, ils font état d'un régiment calvadosien se faisant étriller en étant engagé frontalement (1er bataillon et restes du 1er bataillon dans la charge de la brigade Schwarz), en vaine contre-attaque (3e bataillon) ou se faisant déborder par son adversaire (2e bataillon).
Le monument de Châtelet, en Belgique. |
"Dans le même temps, le I/36e RI (commandant Kahn) et le II/36eRI (commandant Saunier), entrent dans la mêlée pour combler le vide existant à la droite du 39eRI. Le 1er bataillon, à gauche, quitte la lisière nord-ouest de Binches et s'avance vers l'est de la cote 170, appuyant sa droite à la ferme du carrefour de la route de Villers-Poterie. Le IIe bataillon, se reliant par la 7e compagnie (capitaine Blondeau), au 1er bataillon, se déploie à droite vers Presles et chemine dans l'axe de la route Châtelet-Les Binches. La progression est rendue pénible par le bombardement des 77 et des obusiers de 150. Une section de la 2e compagnie tente de se porter en avant vers le Château d'Eau ; mais la fusillade ennemie est particulièrement gênante. Le 36e parvient à la voie ferrée de la route de Presles au nord de laquelle des fractions allemandes ont déjà pris pied. Celles-ci sont mises hors de cause et la route est franchie sous un feu très meurtrier. Le commandant Kahn est blessé une première fois, mais reste à son poste Poursuivant son avance, le 36e arrive au nord de cette route et atteint Carnelle qu'il ne peut dépasser. La 1re section de mitrailleuses du lieutenant Besnier qui soutient la 7e compagnie tire vers 9h1/2 sur des goupes visibles à la lisière du Châtelet*. Des sections de la 8/129e RI en position depuis l'aube associent leurs efforts à ceux du 36e.
Le chef du Ier bataillon reçoit une nouvelle blessure qui le met définitivement hors de combat**. il sera sauvé par le sous-lieutenant Gesrel.
Sur le front du II/36e, la tâche n'est pas moins rude. Celui-ci doit atteindre le petit bois situé à l'est du parc de Presles et l'occuper définitivement. La 5e compagnie (capitaine Navel) parvient à la lisière nord de l'objectif, à 400 mètres des futaies du bois de Broue d'où l'ennemi débouche peu après accueilli par les feux du II/36e RI***. Cependant, les fantassins allemands réussissent à prendre pied dans la corne nord-est du bois occupé par la 5e compagnie, et la droite du bataillon opère un premier repli sur la croupe au nord de Presles. Les vides sont nombreux dans les rangs. Beaucoup d'officiers sont tués ou blessés. Le capitaine Blondeau, rendu aveugle par une balle, reste avec sa compagnie à laquelle il continue de donner des ordres. Le commandant Saulnier est blessé et passe le commandement au capitaine Navel. Celui-ci rallie les débris du bataillon, les reconstitue et les dispose dans les fossés de la grand'route de Châtelet où ils continuent la résistance. Bien que leur feu soit très nourri, les Allemands n'exploitent pas immédiatement leur avantage.
Il est 10 heures. La bataille fait rage de Presles à Bouffioulx et la marche du 36e est enrayée. (...)
Le III/36e (commandant Bouleis) est engagé sur Bouffioulx. En première ligne, la 9e compagnie (capitaine Prieur) compagnie de direction et droite du bataillon se dispose en ligne de sections par quatre ayant à sa gauche la 11e, se déploie et traverse la dépression de la Sarthe avec le terril d'Ormont pour objectif. Arrivée sur la croupe qui domine le vallon de Bouffioulx à 400 mètres de l'ennemi, les premières chaînes de tirailleurs sont reçues par une fusillade nourrie. Les mitrailleuses ennemies font rage. Bondissant de moyettes en moyettes, le bataillon continue son mouvement malgré un feu d'enfer, de front et dans son flanc gauche découvert vers 11h30 par le repli de la 10/39e RI sur Accoz. Les 9e et 11/36e RI sont à 250 mètres de l'ennemi ; il est près de midi.
Le commandant Bouleis donne alors un coup de corne et les compagnies s'élancent à l'assaut à la baïonnette, le chef de bataillon en tête sous un feu qui redouble d'intensité. Le commandant Bouleis est tué, et l'élan est brisé. Le III/36e, dont le capitaine Peuillard de la 10e compagnie a pris le commandement se replie rapidement sur les bois en arrière. Là aussi le courage et le cran n'ont pu vaincre la résistance de l'ennemi et ont été annihilés par la violence du feu des mitrailleuses, reines de la bataille moderne.
Le bataillon fortement diminué reflue vers la Figotterie où il sera bientôt rejoint par les tirailleurs algériens qui combattent à sa droite****. (...)
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