Pourquoi ce blog et comment le lire ?

Cette page, qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, est un hommage rendu aux hommes du 36e régiment d'infanterie que mon arrière-grand-père, Fernand Le Bailly, a côtoyés, parfois photographiés pendant la Première Guerre mondiale. Elle souhaite conserver et transmettre leur souvenir. Elle est conçue à partir de témoignages, d'écrits et d'archives personnels qui m'ont été envoyés, en partie par des descendants de soldats du 36e. Elle est aussi un prétexte pour aller à la rencontre d'"invités" – historiens, passionnés de la Grande Guerre, élus, écrivains... – qui nous font redécouvrir aujourd'hui ce titanesque conflit. Elle est enfin un argument pour découvrir tous les prolongements de ce gigantesque conflit dans le monde d'aujourd'hui.
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21 juin 2012

Au 36e RI, on ne connaît (pas encore) la chanson

A gauche, la musique du 36e RI à la veille de la Première Guerre mondiale. A droite, le refrain du 36e RI dans
L'Almanach du drapeau, édition 1907.
A l'occasion de la fête de la musique, revenons sur le chant du 36e RI. A la veille de la Première Guerre mondiale, si l'on en juge le Service intérieur des corps de troupe d’infanterie (éd. Lavauzelle 1913), chaque régiment possède en effet, en plus de sa "clique" avec clairons et tambours, une musique essentiellement composée de cuivres, sous l’autorité du chef de la musique. Celle-ci possède en outre, comme chaque régiment, son "hymne", selon le Recueil d'historiques de l'infanterie française, du général Andolenko (éd. Eurimprim, 1969), qui rapporte ce "refrain" pour le 36e RI :

"
Le 36e d'infanterie est un régiment de bons garçons, 
ton, ton, ton, ton, gamelle et bidon..."

Pour en savoir un peu plus sur la "petite musique" de l'unité normande, nous avons donc interrogé Jean-François Durand, chef de musique hors classe, qui a bien voulu nous éclairer sur l'origine de ce refrain : "Au départ, le «refrain» est un signe de ralliement pour les troupes sur les champs de bataille, surtout à la nuit tombée : sans aucune visibilité, les belligérants des camps opposés pouvaient se rencontrer par hasard les uns avec les autres. Pas de moyen de se différencier en pleine nuit, sinon par l'intermédiaire de ces refrains, qui, à l'origine, étaient des batteries de tambours, puis des sonneries (thème musical très court généralement de l'ordre de huit mesures) de trompette de cavalerie, pour être plus tard jouées au clairon, voire également au sifflet. Dès lors, tous les régiments ont eu des refrains différents afin de se reconnaître les uns des autres, et, surtout, pour permettre à leurs ouailles de se retrouver au bon endroit sans se mélanger. Il est bien évident que des deux côtés de la ligne de front on a essayé de connaître les refrains utilisés afin de semer la confusion, et faire quelques prisonniers en économisant les affrontements..."
Signe de ralliement et de reconnaissance, ces refrains en raison de l'évolution des moyens de transmission ne serviront bientôt que lors des prises d'armes, pour annoncer l'arrivée du chef de corps du régiment. "Généralement, ces refrains figurent en début de la partition musicale de la marche du régimentselon Jean-François Durand. Sans vouloir être désagréable dans le propos, les paroles du refrain sont adaptées au niveau intellectuel  de la troupe, dont la différence de niveau d'éducation nécessite de faire simple et facilement mémorisable. Les textes parlent d'eux même. Par exemple : «Marie j'ai vu ton c...» (refrain du 5e régiment d'infanterie), qui associe par un langage imagé sur un thème musical simple (limité aux notes de la trompette de cavalerie ou du clairon), ce que le soldat de base retiendra le plus facilement du monde. Ce n'est bien entendu pas toujours le cas, il arrive également qu'une allusion à un événement de la vie du régiment soit associée, et que seules les troupes de ce régiment comprennent l'allusion."
Ces couplets verront pourtant leur usage progressivement cesser avec l'évolution des moyens de transmission et la disparition des régiments.Les exhumer aujourd'hui demeure délicat : "Le collectage des divers refrains et marches des régiments d'infanterie a été en effet sporadique. Ce n'est qu'une fois ces régiments et musiques dissousque l'on s'est rendu compte que ce travail n'avait jamais été fait. C'était un peu tard.... mais il nous en reste toujours quelque chose. L'ouvrage L'Almanach du drapeau, de 1907 (photo ci-contre), propose ainsi dans ses pages les refrains de 163 régiments d'infanterie, mais malheureusement toutes les paroles ont été réécrites en raison (pour certains) du contenu un peu gaulois. C'est dommage, car cela ne correspond pas du tout, et il est à craindre que cela ne soit perdu irrémédiablement." 
Pour le 36e RI, ce livre reprend ainsi textuellement les paroles du Recueil d'historiques de l'infanterie française que nous mentionnons plus haut. "Mais j'ai un doute, poursuit le chef de musique. Ce refrain (dans le player, refrain Almanach 1907) parait bien long si l'on en prend la totalité et si nous nous référons uniquement au texte proposé, il finit sur une note qui n'est pas une conclusion (dominante et non tonique)...


"Mais L'Almanach rapporte une variante du refrain qui semble correspondre beaucoup plus (cliquer sur Almanach deuxième partie). C'est plus représentatif et plus court. Mais, encore une fois, cela n'est qu'une hypothèse.
"Et puis, nous avons aussi cette sonnerie, relevée en 1914 (troisième refrain dans le player), qui n'a rien à voir avec les précédentes. Bref, tout cela traduit bien une histoire un peu mouvementée. S'il nous est possible de retrouver des noms de musiciens, qui pourraient les avoir consignés quelque part, cela serait miraculeux."

A noter que Jean-Hugo, lorsqu'il fut engagé au 36e, relate dans son livre Le Regard de la Mémoire, avoir entendu le "refrain" du régiment dans le Pas-de-Calais, dans le train alors que le régiment est dirigé vers l'Artois : " (...) A Auxi-le-Château, le clairon sonna le refrain du régiment : 

Au 36e de ligne,
Bon Dieu quelle discipline !
Au 36e c'est rigolo,
On couche toujours à la polo
C'était le signal de l'arrivée. On nous fit descendre des wagons (...)"



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