Novembre 1914 dans les tranchées de Courcy. Le temps gris se saupoudre de quelques flocons de neige. Un brouillard épais s'abat parfois dans la plaine, favorisant la continuation des travaux de tranchées. Au régiment, le Journal de marche et d'opération mentionne le retour de plusieurs soldats blessés à Charleroi et à Guise, lors de la première partie de campagne. Le capitaine Roy, le lieutenant Le Rasle et L'Honoré, le sous-lieutenant Guérin font ainsi leur réapparition.
Wiart, capitaine à la 1re compagnie (la compagnie de Jules Champin) revient, lui, le 27 octobre, auréolé de sa blessure, reçue à l'épaule droite il y a un mois, lors de l'attaque sur Brimont, et de sa légion d'honneur, attribuée quelques jours plus tôt. L'homme a surtout été nommé, pendant sa convalescence, chef du premier bataillon "à titre temporaire". Une consécration pour cet officier de 43 ans, natif de Caen, dont la carrière militaire a démarré dès sa sortie de l'école spéciale militaire, en 1894. Versé au 48e RI, à Guingamp, il est resté quinze ans dans la cité bretonne, le temps pour lui de jeter son dévolu sur Marie Droniou, qu'il a épousé à l'automne 1898. En 1909, le couple a laissé derrière lui la caserne de la Tour d'Auvergne pour rejoindre, à 600 km de là, le 150e régiment d'infanterie dans la petite ville de garnison Saint-Mihiel. Puis en 1913, ils ont de nouveau quitté la "petite Florence lorraine" pour rejoindre Caen et son régiment d'attache, le 36e RI. Enfin, la guerre est arrivée...
La Belgique, Charleroi, le commandant Kahn - son commandant - frappé de 22 balles de mitrailleuses, la déroute, Guise, la Marne... Wiart aura survécu à tout cela. Mais le 13 novembre est un jour funeste pour le chef de bataillon. Alors qu'il se trouve dans les tranchées de première ligne, il est immédiatement repéré par un "tireur d'officier" allemand. Le doigt sur la détente de la carabine, l'oeil rivé à l'oculaire du petit tube téléscopique, le soldat allemand, spécialement entraîné (voir le commentaire de l'auteur Laurent Mirouze à ce propos), étudie sa cible. Est-ce le chiffre d'or du col de la vareuse, mal caché par celui de la capote, le bout de galon dissimulé derrière le revers de la manche qu'il remarque ? En une fraction de seconde et un tressaillement d'index, le chef de bataillon passe de vie à trépas (ci-contre, sa fiche Mémoire des Hommes). Le médecin aide-major Emile Beix, originaire d'Elbeuf, aura beau se précipiter et charger l'officier sur ses épaules pour le ramener au poste de secours, il sera trop tard.
Combien de soldats et d'officiers seront ainsi tués au régiment ? Nul ne le sait. Une chose est sûre : dans le secteur de Courcy, le cas d'Adrien Wiart, à cette période, ne fait pas exception. Fin octobre 1914, plusieurs morts de soldats sont ainsi causées par ce que l'on désigne encore à cette période comme des "balles perdues". Le 2 novembre, note le JMO du 36e RI, "un homme de la 8e compagnie est tué par une balle allemande". Puis le 7 novembre au soir, deux soldats du 129e RI, placé immédiatement à gauche du 36e RI, sont envoyés dans les lignes ennemies "pour aller incendier une meule située à proximité des tranchées ennemies qui masquait, pensait-on, le débouché d'une sape pendant le jour et qui servait d'abri aux bons tireurs ennemis". Deux jours plus tard, en fin d'après-midi, dans le secteur du 36e, un "observateur ennemi" perché dans un arbre est tué d'un coup de carabine. Et dans la nuit du 23 au 24 novembre, quelques jours après la mort de Wiart, deux soldats du 129e, sont désignés "pour aller mettre le feu à une meule qui avait été occupée par quelques bons tireurs ennemis".
Merci à Yann Thomas pour ces informations sur Adrien Wiart.
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